mardi 19 mai 2009

Ogier d'Anglure (XIVe siècle), témoin de la destruction du revêtement de la Grande Pyramide

 
Dans Le saint voyage de Jherusalem, publié en 1395, le seigneur Ogier d’Anglure (1360-ap. 1412) a fait le récit de son pèlerinage aux Lieux saints, un périple qui dura une année et au cours duquel il fit une halte au Caire. Lors de sa visite du site des pyramides (considérées encore comme des greniers), il vit des maçons qui extrayaient des pierres du revêtement de la Grande Pyramide, ces matériaux de qualité étant utilisées pour la construction du Caire.

"(...) Nombreux sont ces greniers en amont et en aval du Nil, que l'on peut voir de très loin ; mais là où nous fûmes, il n'en a que trois qui sont assez près l'un de l'autre. La vérité est que quand nous fûmes venus jusqu’à ces greniers, il nous sembla que c’était la plus merveilleuse chose que nous eussions vue jusque là durant tout le voyage, pour trois raisons seulement. La première est qu’ils sont très larges à leur pied, car ils sont carrés ; chacun de ces côtés fait plus de neuf pieds. La seconde, c’est la grande hauteur qui est la leur, et ils sont ainsi comme à la façon d'un fin diamant, à savoir très larges dessous et très aigus par dessus ; sachez qu’ils sont  tellement hauts que, si une personne était en haut, à peine pourrait-elle être aperçue : elle ne semblerait en rien plus grosse ni grande qu’une corneille. La troisième chose est les très nobles et gros ouvrages dont ils sont faits, de grosses et grandes pierres bien taillées ; et il n’y a personne nulle part qui ait la puissance d’amasser et d’agencer si noblement tant de pierres. Et nous vîmes alors que sur l'un de ces greniers, à peu près au milieu de la montée, certains ouvriers maçons qui descellaient à force les grosses pierres taillées qui font la couverture desdits greniers, et les laissaient dévaler vers le bas. De ces pierres est faite la plus grande partie des beaux ouvrages que l'on fait au Caire et en Babylone, et que l'on y fit pendant longtemps : et il nous fut juré et certifié par ce guide qui était avec nous et par autres aussi, qu'il y avait déjà mille ans que l'on avait commencé à écorcher et découvrir ces greniers, et ils ne sont pourtant qu’à moitié découverts : et pour cette raison il ne pleut ni ne pleuvra dedans, car c'est une trop noble maçonnerie, et il faut qu’elle soit très épaisse. Ainsi nous fut-il dit que de ces pierres que l'on descend de ces greniers, le Sultan en prend les deux parts du profit, et les maçons l'autre tiers.
(...) Pour parler de ces greniers par dedans, nous n'en pourrions proprement parler, car l'entrée supérieure est murée et par devant sont de très grosses tombes ; et il nous fut dit que là est le monument d'un Sarrazin. Ces entrées furent murées parce que l'on avait coutume d’y faire de fausses monnaies. Et tout bas sur terre il y a une porte, grâce à laquelle nous allâmes très avant par dessous ce grenier, et qui n'est pas à hauteur d'homme. C'est un lieu très obscur et malodorant à cause des bêtes qui y habitent."

(Adaptation du texte d'Ogier d'Anglure par Sylvie Royo. Source : SCÉRÉN-CNDP - musagora)

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