lundi 10 août 2009

Le "genou avec rouleaux en barillet tournant" de Jean-Louis Lespagnol



Dans son ouvrage "Pyramide - Dossier d'exécution" (édité par l'auteur, Lille, 1994, 248 pages), Jean-Louis Lespagnol prend comme point de départ une hypothèse que nous avons déjà rencontrée chez d'autres auteurs : Comment m'y prendrais-je pour construire une pyramide ? Et ça tombe bien, puisqu'un certain Monsieur Khéops vient de passer commande ! Pas une minute à perdre... Il est temps de faire fonctionner la planche à dessin et la machine à calculer.
Bilan de l'opération : avant le début des travaux de construction, tout est fin prêt, défini minutieusement, pierre par pierre, minute par minute, tous les détails relatifs au planning, aux effectifs, au déroulement du chantier, à la sécurité... ayant été pris en compte :"Le délai de construction est de 30 ans. À raison de 8 h. par jour (y compris dimanches et fêtes), cela signifie la mise en place d'un bloc toutes les 2 à 3 minutes. Nous proposons donc une organisation de chantier du type industriel, à la chaîne (un ouvrier, un geste et un seul, et trois minutes plus tard, ce même ouvrier, le même geste)." (op. cit. p. 9)
L'extrême précision de l'auteur et son souci du détail donnent à son "dossier" une complexité qu'il est difficile, voire impossible de présenter et résumer en quelques lignes. Je retiendrai donc exclusivement ici les procédés de manutention des blocs de pierre que Jean-Louis Lespagnol a choisis pour "son" chantier. J'en recense globalement trois : le tirage sur traîneaux (pour acheminer les blocs jusqu'au pied de la pyramide), la "bascule" à l'aide de cordages (pour la mise en place définitive d'un bloc de revêtement déjà hissé sur son assise) et le levage.
Notons au passage l'interprétation de l'auteur concernant les "crossai(s)" et les "bomides" auxquels fait allusion Hérodote. Il s'agit pour lui de deux formes d'escalier, de hauteurs différentes : le premier ("bomides") est un escalier-support, greffé sur les assises de la pyramide, sur lequel prennent place les ouvriers munis de leviers pour hisser des pierres de parement ; le second ("crossais"), en saillie par rapport au premier, est fait de bandes de marches supplémentaires et plus étroites, sur lesquelles reposent les pierres en cours de manœuvre.
La technique de levage est particulièrement développée dans l'ouvrage. C'est elle en effet qui sera mise en œuvre pour l'essentiel du chantier.



Jean-Louis Lespagnol retient que, pour hisser les blocs de pierre, les ouvriers doivent (ont dû ?) utiliser des cordages reliés à des "poutres tireuses" auxquelles sont attachés les blocs (les poutres ayant pour fonction de stabiliser les blocs en cours de montée). Le "hic" de cette technique est le, ou plutôt les renvois d'angle, puisque les tireurs sont placés sur l'assise en cours de construction et sur la face opposée de la pyramide. Comment, en tout premier lieu, éviter l'usure et ménager la résistance des cordages tout en ne contrariant pas l'effort des tireurs ?
L'astuce repose sur ce que Jean-Louis Lespagnol appelle un "genou avec rouleaux en barillet tournant", le "genou" étant la forme arrondie donnée à une arête ou à un angle préalablement trop "brut", une idée venue à l'auteur "en s'amusant à faire rouler un crayon entre son genou et la paume de la main". Un rouleau placé à l'angle formé par une face et une assise de la pyramide permet effectivement d'"arrondir les angles" et donc de faciliter la manutention (d'où l'idée du "genou"). Mais un rouleau seul ne peut suffire : une fois qu'il a rempli sa fonction, il change de place, et le problème reste posé du frottement du cordage sur la pierre brute. D'où la seconde idée du "barillet tournant", alimentant en permanence en rouleaux l'angle concerné.
Plus plus de détails, et afin de ne pas trahir la précision de l'auteur, je le cite :"Le genou est (...) placé en l'air, supporté latéralement. Il a [une] forme étroite, et il est toujours dégagé sur les côtés. Il 'est' dans le barillet, entre ses flasques. Les deux flasques du barillet sont reliées entre elles et maintenues à distance par des barreaux. Chaque espace entre deux barreaux reçoit un rouleau. Une couronne intérieure d'une part, et une couronne extérieure d'autre part, toutes deux plus larges que les flasques, sont fixées sur la partie cylindrique des flasques pour éviter que le rouleau ne quitte son logement, dans lequel il se trouve quand même très à l'aise. Seuls les rouleaux sont en contact avec le genou. Les couronnes intérieures ne font que longer ce genou ; elles sont dans les dégagements entre genou et supports. (...) Notons que le barillet, pendant le mouvement, ne repose sur 'rien' Il est suspendu par la couronne extérieure aux quelques rouleaux qui sont en prise. Il ne subit comme charges que son propre poids et le poids des rouleaux (et encore, ceux qui ne sont pas en prise). Il n'y a aucune espèce de contact avec les énormes charges que supporte le gros cordage." (op. cit. pp. 65, 69)



Quatre compléments à la mise en œuvre de cette technique de levage :
- les "genoux" peuvent être installés en série compte tenu de la masse des blocs à lever ;
- le bloc, acheminé jusqu'au pied de la pyramide par traîneau, glisse, au démarrage de l'opération de levage, sur une "pastille" remplaçant le traîneau sur le flanc de la pyramide : elle est constituée d'une couronne rectangulaire à coins arrondis, de deux butées (pour retenir le bloc) et de divers "bois quelconques au centre, à peine équarris, (...) qui supporteront tous les frottements" ;
- sur le flanc opposé et pied de la pyramide, le "genou" est placé la tête en bas pour l'ultime renvoi d'angle ;
- une muraille d'environ 4 m d'épaisseur et de 3,2 m de hauteur, construite en pierraille, a pour fonction d'assurer tout le système de levage avec les renvois d'angle et les genoux à barillet.


Quant aux longs mégalithes à installer dans la Chambre du Roi, ils ne sont pas hissés sur des "pastilles" : ils sont montés non pas par glissement, mais par roulement :"(Chaque mégalithe) sera 'fagoté', c'est-à-dire entouré partiellement de bois légers. Ces bois donneront à l'ensemble une allure de cylindre. (...) Le fagoté sera d'abord placé au pied de la pyramide. Il sera entouré de cordages venant du haut de la pyramide où ils seront bien ancrés. Les autres extrémités de ces cordages rejoindront des tireurs-marcheurs dans la plaine opposée, après être passées sur des genoux à barillet habituels." (op. cit. p. 201)

Les illustrations de cette note sont extraites de l'ouvrage de Jean-Louis Lespagnol. Dans l'impossibilité d'identifier les coordonnées de l'auteur, je n'ai pas pu lui en demander l'autorisation expresse. J'ai néanmoins inséré ces schémas dans la mesure où ils me semblent indispensables à la bonne interprétation de la théorie ici présentée.
Cliquer sur l'illustration pour l'agrandir.

4 commentaires:

Lheureux a dit…

Si j'avais eu à construire la pyramide de Khéops, je me serais servi de chaque façade pour y mettre un ascenseur a pierres. Cela aurait fait 4 ascenseurs avec d'un coté la pierre a monter et de l'autre , le contrepoids à remplir de sable. Quand le poids du sable dépasse le poids de la pierre, elle monte..et arrivé en haut on fait le contraire pour éviter d'avoir a remonter le contrepoids. Tout ceci implique un simple renvoi de corde en haut et la possibilité de monter du sable pour lester les contrepoids.Il faut aussi procéder par paliers successifs pour éviter des cordes trop longues.

Marc Chartier a dit…

Merci Philippe pour ce commentaire.
Est-il besoin de le préciser ? Je vous suis régulièrement, soit sur votre propre site (que j'ai évidemment présenté dans mon blog), soit dans vos contributions à tel ou tel forum.
Bonne continuation.
Marc

lespagnol a dit…

Bonjour,
Je suis le fils de M Jean-Louis Lespagnol
J'ai déjà envoyé un commentaire mais ne l'ai pas vu publié alors je réessayes
Merci de publier une partie du livre de mon père
qui est décédé
Le livre de mon père comprend des schèmas à toutes les pages de gauche , il avait le soucis de la précision , il avait fait d'une maquette avec des briques pour vérifier le calcul des forces qu'il avait fait
Vous pouvez me contacter si vous désirez des renseignements complémentaires sur son livre
Nicolas Lespagnol
lespagnolnicolas@free.fr

MAXDEG a dit…

Ne mettez pas la charrue avant les boeufs ! La pyramide est une succession d'assises, pourquoi employer des dispositifs adaptés à des surfaces (inclinées) planes !!!Il y a beaucoup plus simple et plus rapide pour construire ces assises, tout en restant conforme aux écrits d'Hérodote.