lundi 7 septembre 2009

Déjà en 1868, on s'apostrophait !


Dans Les Mensonges de la science et le Musée rétrospectif de Saint-Germain, Paris, 1868, Jules Richard Denizet prenait à partie les "savants" qui échafaudaient, sur la base de pseudo-arguments, des théories sur la construction des pyramides :

On écrirait un volume de toutes les saugrenuités qui aussi ont été affirmées comme ultima ratio de la construction des pyramides. Voici la dernière, éditée en 1862 par Mahmoud-Bey [el-Falaki], astronome du vice-roi d'Égypte : "3300 ans avant Jésus-Christ, l'étoile Syrius passait au méridien de Guizeh. Les Égyptiens en furent si ravis qu'ils construisirent immédiatement d'immenses pyramides pour célébrer et consacrer à jamais cet heureux événement. »
En bonne conscience, sérieusement, est-il admissible, si amoureux qu'il soit d'astronomie, qu'un peuple, un tout petit peuple alors, resserré sur un tout petit espace de deux lieues à peine en largeur, ait eu seulement l'idée de travaux si colossaux pour consacrer une date qui n'intéressait en rien ni ce peuple ni les autres peuples de la terre ?

Un autre système non moins ridicule, mais peut-être plus ingénieux, a été établi par M. Smith, astronome royal d'Écosse. Ce savant, après un séjour de quatre mois, en 18S4, à la Grande Pyramide, a rapporté trois gros volumes de 500 pages chacun, pour démontrer (Risum teneatis, amici) :
1° Que la Grande Pyramide a été construite dans le dessein de fixer un système de poids et mesures pour servir à tout le genre humain. (Nous, une règle d'un mètre nous suffit.)
2° Que l'unité linéaire de la Grande Pyramide est fondée sur la longueur du demi grand axe de rotation de la terre, dont elle est la dix millionième partie (système décimal).
3° Que ladite Grande Pyramide donne en même temps le pouce et la longueur du côté d'un are. (Elle donnerait bien d'autres choses si l'on voulait.)
4° Qu'on y trouve la longueur d'une coudée qui répond à l'ancienne aune de Prusse. (Qu'est-ce que la Prusse vient faire là ?)
5° Que l'unité de poids et de capacité de la Grande Pyramide est établie sur l'unité linéaire précédente combinée avec la densité de la terre.
6° Que l'unité de chaleur de la Grande Pyramide est la température moyenne de toute la surface de la terre.
7° Que l'unité de temps et la division de la semaine en sept jours s'y trouvent aussi représentées.
8° Enfin, que la Grande Pyramide était l'œuvre des Hébreux appartenant à une période inspirée et à l'époque des anciens patriarches.

C'est de l'hallucination à haute pression et pyramidale !
(...)
Hélas! toute la science que l'on professe — sauf la partie qui a nom "sciences exactes" —, tout est entaché d'erreurs, de fables et de fantaisies de ce calibre, qui font plus d'honneur à l'imaginative de messieurs les savants qu'à leur sens commun, à leur intellect. Toute l'ancienne science est à remanier. Elle ne pouvait en effet procéder que des suppositions, mais il est à remarquer qu'elle a eu la main assez malheureuse pour toujours n'adopter que celles qui s'éloignaient le plus de la logique et même des probabilités.
Les savants ont deux torts immenses : le premier, de vouloir toujours échafauder sur la Genèse, ce porte-à-faux qui ne permet de rien établir de solide et de vrai ; le second, de se quatremurer [claquemurer] dans leur cabinet de travail, au lieu de parcourir le monde.

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