jeudi 24 septembre 2009

Fonction des conduits dits "d'aération" de la pyramide de Khéops : la théorie d'Anthony P. Sakovich

Illustration extraite de l'article

Diverses sont les tentatives d'explication du rôle des conduits qui débouchent dans les chambres du Roi et de la Reine de la Grande Pyramide. Quelle fut leur fonction, leur utilité ? Aération ? Orientation vers des constellations stellaires pour guider l'esprit (Akh) du pharaon défunt vers les "Impérissables" ?
«Aucune de ces théories ne présente d'évidence suffisante, ni culturelle, ni physique», précise le chercheur indépendant Anthony P. Sakovich, dans un article publié en 2005-2006 par la revue du Centre de Recherches Américain du Caire.
Pour comprendre la raison de la présence des conduits en question, ajoute-t-il, il est indispensable de se remettre en esprit les cultes et croyances inspirés par la cosmogonie de l'Égypte ancienne au temps de Khéops. Cette "vision du monde" reposait sur les trois divinités principales vénérées à l'époque de la Quatrième Dynastie : Horus, Hathor et Rê (le culte d'Osiris et d'Isis n'était pas encore apparu). Y était associé Khnoum (illustration ci-contre), dont le nom est mentionné dans le cartouche de Khéops dans sa pyramide, ce dieu étant le "Maître de l'eau fraîche", contrôlant les cataractes et la crue du Nil en ouvrant la caverne de Hapy où se trouvait l'Inondation. Or «aucune de ces divinités, commente A.P. Sakovich, n'a de lien particulier avec les étoiles».
Dans la symbolique égyptienne, le tumulus, à commencer par le Tertre Primordial, émergeant des eaux du Nil, représente la création ou la "re-naissance" après la mort : les eaux, inondant les terres, sont créatrices de vie, de fertilité, de renouveau. Telle est la fonction représentative du mastaba élevé au-dessus du sol et des eaux qui l'entourent lors de l'inondation.
Dès que les bâtisseurs égyptiens ont implanté la chambre sépulcrale sous le pied de la pyramide, ils ont également construit un conduit en pente menant à cette chambre, ouvrant l'accès aux eaux spirituelles de l'Abîme qui donneront une nouvelle vie au roi défunt (cf. les deux entrées de la pyramide de Khéphren).
«En toute logique, poursuit A.P. Sakovich, si l'on déplaçait la chambre funéraire au-dessus du sol, il fallait trouver un moyen de canaliser les eaux célestes de l'Abîme pour leur permettre de couler à l'intérieur de la chambre et d'être ainsi source de résurrection [pour le roi défunt].»
Pour la Grande Pyramide, dans la mesure où les chambres dites "de la Reine" et "du Roi" sont situées bien au-dessus de l'entrée principale de l'édifice, les bâtisseurs ont dû faire le nécessaire pour l'aménagement d'un "canal" en oblique, taillé à l'intérieur de la pyramide, destiné à permettre aux eaux célestes de l'Abîme de venir inonder la chambre funéraire. Or, «il est évident que les conduits, orientés vers le nord et le sud, de la troisième chambre répondent à cette nécessité».
Dans cette logique, l'existence de tels conduits dans la seconde chambre ("Chambre de la Reine") s'explique simplement par le fait que celle-ci fut momentanément destinée à recevoir la sépulture royale : elle devait donc être «spirituellement correcte», donc équipée des conduits pour les eaux régénératrices, remplaçant la chambre souterraine dont l'aménagement fut abandonné pour cause d'inutilité. Et de même lors de l'achèvement de la Chambre du Roi, y compris de ses conduits : il devenait inutile de poursuivre l'aménagement de la Chambre de la Reine, notamment l'installation de ses conduits, ceux-ci n'ayant plus aucune fonction.
Pour permettre aux eaux cosmiques de couler au travers de la structure de la pyramide, transformant au passage le sarcophage royal en une "île" (nouveau Tertre Primordial), les extrémités extérieures des deux canaux devaient se trouver à la même hauteur.
L'orientation N/S des conduits-canaux pointe vers la localisation céleste de la "Grande Voie d'Eau" (waterway) des anciens Égyptiens (faussement interprété comme la Voie Lactée), parallèle au cours du Nil.
A.P. Sakovich ajoute que le choix du granit des carrières d'Assouan n'est pas fortuit. L'île d'Éléphantine, près de cette ville, n'était-elle pas le lieu du culte voué au dieu Khnoum ? Ainsi, comme le mentionne la Stèle de la Famine, «le granit d'Assouan peut très bien avoir été considéré comme ayant des propriétés magiques et un lien direct avec le Tertre Primordial».
Et de mentionner, pour corroborer son interprétation, cette citation d'Hérodote : «Khéops, suivant ce que me dirent les Égyptiens, régna cinquante ans. Étant mort, son frère Khéphren lui succéda, et se conduisit comme son prédécesseur. Entre autres monuments, il fit aussi bâtir une pyramide : elle n'approche pas de la grandeur de celle de Khéops (je les ai mesurées toutes les deux) ; elle n'a ni édifices souterrains, ni canal qui y conduise les eaux du Nil ; au lieu que l'autre, où l'on dit qu'est le tombeau de Khéops, se trouve dans une île, et qu'elle est environnée des eaux du Nil, qui s'y rendent par un canal construit à ce dessein.» (Histoire, livre II, Euterpe)
En conclusion, l'auteur affirme que «les conduits dans la pyramide de Khéops, n'ont rien à voir avec les étoiles ou le soleil (…). Ce ne sont pas non plus des conduits de ventilation. Leur utilité est uniquement d'être un canal reliant le sud de la "Grande Voie d'Eau", à travers la chambre sépulcrale de Khéops, au nord de ce même équivalent (counterpart) céleste du Nil.»

Source : Journal of the American Research Center in Egypt, volume 42, 2005-2006

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