vendredi 18 septembre 2009

"Tout avait été calculé de manière à cacher le site exact du sarcophage" (Gaston Maspero - XIXe s.)


Gaston Maspero
(source : Wikimedia commons)

Dans L'archéologie égyptienne, 1887, Gaston Maspero (1846-1916) décrit sommairement la configuration des pyramides du plateau de Guizeh, sans aborder les techniques mises en œuvre pour leur construction.

Le groupe de Gizèh en compte neuf [pyramides], et, dans le nombre, celles de Khéops, de Khéphren et de Mykérinos, que l'antiquité classait parmi les merveilles du monde. Le terrain sur lequel le Khéops repose était assez irrégulier, au moment de la construction. Un petit tertre qui le dominait fut taillé rudement et englobé dans la maçonnerie, le reste fut aplani et garni de grosses dalles dont quelques-unes subsistent encore. La pyramide même avait une hauteur de cent quarante-cinq mètres et une base de deux cent trente-trois, que l'injure du temps a réduites respectivement à cent trente-sept et deux cent vingt-sept. Elle garda, jusqu'à la conquête arabe, un parement en pierres de couleurs diverses, si habilement assemblées qu'on aurait dit un seul bloc du pied au sommet. Le travail de revêtement avait commencé par le haut : la pointe avait été placée la première, puis les assises s'étaient recouvertes de proche en proche jusqu'à ce qu'on eût gagné le bas. A l'intérieur, tout avait été calculé de manière à cacher le site exact du sarcophage et à décourager les fouilleurs que le hasard ou leur persévérance auraient mis sur la bonne voie. Le premier point était, pour eux, de découvrir l'entrée sous le revêtement qui le masquait. Elle était à peu près au milieu de la face nord, mais au niveau de la dix-huitième assise, à quarante-cinq pieds environ au-dessus du sol. Les dalles qui l'obstruaient une fois déplacées, on pénétrait dans un couloir incliné, haut de 1m,06, large de 1m,22, pratiqué en partie dans la roche vive.
Il descend l'espace de quatre-vingt-dix-sept mètres, traverse une chambre inachevée et se termine dix-huit mètres plus loin en cul-de-sac.
C'était un premier désappointement. Si pourtant on ne se laissait pas rebuter, et qu'on examinât le passage avec soin, on distinguait dans le plafond, à dix-neuf mètres de la porte, un bloc de granit qui tranchait sur le calcaire environnant. Il était si dur que les chercheurs, après avoir travaillé vainement à le briser ou à le déchausser, prirent le parti de se frayer un chemin à travers les parties de la maçonnerie construites en une pierre plus tendre. L'obstacle tourné, ils débouchèrent dans un couloir ascendant, qui se raccorde au premier sous un angle de 120 degrés et se divise en deux branches. L'une s'enfonce horizontalement vers le centre de la pyramide et se perd dans une chambre en granit à toit pointu, qu'on appelle, sans raison valable, Chambre de la Reine. L'autre, tout en continuant à monter, change de forme et d'aspect. C'est maintenant une galerie longue de 45 mètres, haute de 8m,50, bâtie en belle pierre du Mokatam, si polie et si finement appareillée qu'on a peine à glisser entre les joints «une aiguille ou même un cheveu». Les assises les plus basses portent d'aplomb l'une sur l'autre, les sept suivantes s'avancent en encorbellement, de manière que les dernières ne soient plus séparées au plafond que par un intervalle de 0m,60. Un obstacle nouveau se dressait à l'extrémité. Le couloir qui mène à la chambre du sarcophage était clos d'une seule plaque de granit ; venait ensuite un petit vestibule, coupé à espaces égaux par quatre herses, également en granit, qu'il fallait briser.
Le caveau royal est une chambre en granit, à toit plat, haute de 5m,81, longue de 10m,43, large de 5m,20 ; on n'y voit ni figure ni inscription, rien qu'un sarcophage en granit mutilé et sans couvercle. Telles étaient les précautions prises contre les hommes : l'événement a prouvé qu'elles étaient efficaces, car la pyramide garda son dépôt plus de quatre mille ans. Mais le poids même des matériaux était un danger plus sérieux pour elle. On empêcha le caveau d'être écrasé par les cent mètres de pierre qui le protégeaient, en ménageant au-dessus de lui cinq pièces de décharge, basses et superposées. La dernière est abritée par un toit pointu, formé de deux énormes dalles appuyées par le haut l'une à l'autre. Grâce à cet artifice, la pression centrale fut rejetée presque entière sur les faces latérales, et le caveau fut respecté. Aucune des pierres qui le revêtent n'a été écrasée, aucune n'a cédé d'une ligne depuis le jour où les ouvriers l'ont scellée en sa place.
Les pyramides de Khéphren et de Mykérinos ont été bâties à l'intérieur sur un plan différent de celle de Khéops. Khéphren a deux issues, toutes deux tournées vers le nord, l'une sur l'esplanade, l'autre à 15 mètres au-dessus du sol. Mykérinos possède encore les débris de son revêtement de granit rose. Le couloir d'entrée descend à un angle de 26°,2' et pénètre rapidement dans le roc. La première salle qu'il traverse est décorée de panneaux sculptés dans la pierre et fermée à la sortie par trois herses en granit.
La seconde pièce paraissait être inachevée, mais ce n'était là qu'une ruse destinée à tromper les fouilleurs : un couloir ménagé dans le sol et soigneusement dissimulé donnait accès au caveau.
Là reposait la momie dans un sarcophage de basalte sculpté, encore intact au commencement du siècle : enlevé par Vyse, il a sombré sur la côte d'Espagne avec le navire qui le transportait en Angleterre.


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