lundi 26 octobre 2009

Comment on "suivait le guide" au 19e s.

Voici comment un guide "touristique", ancêtre des "Guides bleus", décrit la découverte des pyramides. Extraits de Itinéraire descriptif, historique et archéologique de l'Orient, collection des Guides Joanne, 1861, par Adolphe Laurent Joanne et Émile Isambert

Illustration extraite de africa.onweb

Les pyramides, ces tombeaux gigantesques, sont les plus anciennes constructions connues de l'Égypte, et l'on peut dire aussi les plus vieilles constructions du monde historique. Les temps où elles nous portent remontent à 3500 ans au moins avant l'ère chrétienne. Elles étonnent par leur masse, elles supposent l'emploi de forces mécaniques surprenantes, sinon pour l'extraction et le transport, au moins pour le soulèvement et la mise en place, à des hauteurs considérables, des blocs énormes dont elles ce composent ; elles témoignent aussi (...) d'une remarquable habileté dans la taille et l'ajustement de quelques-uns de leurs détails intérieurs : et cependant on ne peut guère voir, dans ce prodigieux assemblage de pierres amoncelées, autre chose que le premier essai, le premier tâtonnement, si l'on peut dire, de l'art architectural. Elles y forment, dans tous les cas, un chapitre à part, en dehors de tout le reste.
C'est dans d'autres ouvrages qu'il faut étudier le caractère et suivre le développement de l'art égyptien. C'est dans les temples, c'est dans les hypogées servant de sépultures royales, c'est dans les édifices destinés à la demeure des rois, c'est enfin dans les habitations privées.
(...) On a émis bien des opinions, et quelques-unes assez bizarres, sur la destination originaire, aussi bien que sur l'ancienneté des pyramides. Aujourd'hui que ces prodigieux monuments ont été explorés et décrits dans leurs moindres détails, qu'on en connait la structure intérieure, et qu'on a pu tirer des inscriptions égyptiennes quelques indications précises, tous ces points sont fixés et hors de discussion. Les pyramides ne sont autre chose que des constructions tumulaires, et elles remontent aux premières dynasties pharaoniques. Ce sont les plus anciens monuments connus de l'Égypte. Hérodote avait recueilli de la bouche des prêtres, sans doute d'après des inscriptions qu'il mentionne et qui ont disparu avec le revêtement extérieur, des renseignements qu'il nous a transmis sur le nom des rois qui firent élever les trois grandes pyramides au voisinage de Memphis ; ces renseignements, avec lesquels s'accordent ceux que l'on doit à Manéthon, à Eratosthène et à Diodore, ont été pleinement confirmés de nos jours par les découvertes des explorateurs égyptologues. Les rois auxquels appartient d'après Hérodote, la construction des trois grandes pyramides, Khéops (Seuphis dans Manéthon), Khéphrèn et Mykérinos (ou Menkhérès), sont nommés dans les inscriptions Choufou, Chafra et Menkara. Tous trois appartiennent à la quatrième dynastie.
(...) Le docteur Lepsius a pu constater, par l'étude qu'il a faite de l'ensemble des pyramides, que leur construction commençait par le centre et se développait extérieurement à la manière de l'aubier dans les arbres, de telle sorte qu'autour d'une pyramide de moyenne grandeur, formant comme un noyau central, on ajoutait successivement une ou plusieurs couches extérieures épaisses de 5 à 6 mètres, chaque couche augmentant ainsi graduellement la grosseur et l'élévation de la construction primitive. Pour se rendre compte de ce procédé, il faut savoir que chaque prince de l'ancienne monarchie, dès son avènement au trône, faisait commencer la construction de sa pyramide tumulaire, et cela sur de médiocres proportions, afin d'en assurer l'achèvement, dût-il ne régner que peu de temps ; mais, à mesure que son règne se prolongeait, il faisait superposer de nouvelles couches si bien que la grandeur de la pyramide était toujours en raison de la durée du règne. C'est ce qui explique pourquoi quelques-unes des pyramides ont de si vastes proportions, tandis que d'autres sont restées à l'état embryonnaire. Grande ou petite, la construction terminée à la mort du roi était revêtue d'une enveloppe de pierres dures et polies qui faisait disparaître les gradins, en même temps qu'elle recouvrait et dissimulait complètement l'orifice de la galerie conduisant à la chambre sépulcrale. Cet exposé du savant archéologue prussien est d'ailleurs justifiée par les faits bien connus des temps postérieurs de la monarchie. Les nombreux hypogées royaux de la moyenne et de la haute Égypte présentent absolument la même particularité.
[Dans leur description de l'extérieur et des dimensions de la Grande Pyramide, les auteurs du guide relèvent ce détail :] On voit encore, à l'angle N.-E. de la pyramide, une excavation pratiquée dans le roc, qui était destinée à recevoir la pierre angulaire du revêtement.
[Ils poursuivent par la visite de l'intérieur de la pyramide, à commencer par la chambre souterraine :] on arrive à une chambre carrée de 6 mètres de longueur sur 4 de hauteur, mais qui n'a pas été terminée. À sa paroi gauche ou occidentale (car la direction de la galerie, depuis l'orifice (...) jusqu'à cette chambre, est exactement du N. au S.), quelques blocs du rocher se projettent à demi taillés. Cette chambre, dont rien n'indique l'emploi, est à peu de chose près dans le grand axe vertical de la pyramide, mais à 32 mètres au-dessous de sa base, conséquemment au niveau du Nil. Si ce que rapporte Hérodote d'un canal souterrain qui amenait l'eau du fleuve à l'intérieur de la pyramide de Khéops est fondé, c'était là, à ce qu'il semble, que ce canal aurait dû aboutir. On n'en voit nul indice.
(...) C'est là [dans la Chambre du Sarcophage] qu'était déposée la momie royale, dans un sarcophage de granit rouge sans ornements ni hiéroglyphes, qui est toujours en place. Le plafond de cette chambre sépulcrale est plat. Le sarcophage est à 21 m 50 au-dessus de la Chambre de la Reine, à 43 m 50 au-dessus du sol qui forme la base de la pyramide, à 100 mètres au-dessous du sommet actuel. On a reconnu qu'au-dessus de la chambre du sarcophage cinq chambres basses avaient été ménagées, s'étageant à intervalles rapprochés les unes au-dessus des autres dans un espace total d'environ 17 mètres, sans autre objet apparent que d'alléger la pression de la maçonnerie supérieure sur le caveau royal. On arrive à ces chambres par un étroit couloir dont l'entrée est à l'extrémité supérieure de la grande galerie. On y a trouvé, tracé sur les pierres, le nom du roi Choufou, le constructeur de la pyramide.


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