mercredi 14 octobre 2009

Les pyramides : "des monuments impérissables du despotisme absolu qui les a fait construire" (Marcel de Serres)

Illustration extraite de http://www.gm.univ-montp2.fr/

Dans une note de son ouvrage De la cosmogonie de Moïse, comparée aux faits géologiques, 1841, Marcel de Serres (1782-1862), professeur de minéralogie et de géologie à la Faculté des Sciences de Montpellier, remet brièvement en cause quelques vérités établies sur l'ancienneté et la finalité des pyramides.

Les pyramides d'Égypte ou ces immenses tombeaux élevés par la vanité des premiers rois de cette contrée fameuse sont loin d'avoir une haute antiquité. Elle ne paraît pas remonter au-delà de Sésostris ; en sorte que leur date, d'après Hérodote qui l'éloigne le plus, serait d'environ 3326 ans avant l'époque actuelle, et seulement de 3246 d'après la plupart des écrivains modernes. Champollion le jeune, dont les travaux ont tant éclairci l'histoire de l'ancienne Égypte, a adopté cette dernière opinion ; il a du moins considéré que la date des plus anciens monuments de cette contrée ne s'étendait pas au-delà de 4041 ans avant le temps où nous vivons, c'est-à-dire en 1841.
Ces monuments eux-mêmes, presque les plus anciens de ceux qui sont encore debout, car ils ne le cèdent sous ce rapport qu'à la tour de Babel (4488 d'après les Septante), sont bien postérieurs au déluge. (...)
Les recherches récentes faites dans les pyramides ont démontré quels avaient été les motifs qui avaient dirigé les anciens souverains de l'Égypte dans leur construction, et les objets qu'on a découverts dans les tombeaux pratiqués au-dessous de leurs masses énormes ont prouvé de la manière la plus positive que ces monuments n'avaient pas l'antiquité qu'on leur avait supposée. Tous ces faits sont assez positifs pour que déjà on puisse affirmer qu'elles sont non seulement postérieures au déluge, mais encore à Moïse. Cette circonstance nous explique pourquoi il n'en a pas parlé. Il n'aurait pas pu cependant s'en empêcher si elles avaient été érigées avant sa sortie d'Égypte, lui surtout, le législateur des Hébreux, qui en provenait comme les peuples qui lui étaient soumis.
Des monuments aussi gigantesques que les pyramides ou la tour de Babel n'ont pu être élevés que par suite de superstitions aveugles ou de croyances absurdes, ou enfin d'un despotisme absolu. On sait assez quels sont les motifs qui ont porté les peuples réunis dans la plaine de Sennaar à ériger le premier de ces monuments dont les ruines annoncent assez combien devait être considérable le nombre des hommes occupés à son érection. Ces motifs nous redisent également combien ceux qui les avaient adoptés devaient être peu avancés en civilisation et combien ils devaient être nouveaux. Cependant les nations auxquelles l'histoire les attribue sont les plus anciennes parmi celles de l'antiquité ; ce qui nous indique à quel degré pouvait être arrivé l'état de la civilisation chez les peuples dont la date est encore plus récente.
Les pyramides érigées en l'honneur des souverains de l'Égypte, qui rêvaient encore la grandeur après leur mort, sont des monuments impérissables du despotisme absolu qui les a fait construire. Aussi, depuis leur érection, l'antiquité, qui a si souvent donné des exemples des effets d'un pouvoir sans bornes, n'a rien édifié de comparable pour la grandeur et l'élévation à ces vieilles pyramides devant lesquelles tant d'événements se sont passés et s'écouleront encore ; car le temps semble n'avoir pas de prise sur leurs masses indestructibles. Si depuis leur édification l'antiquité a été impuissante pour produire de pareils monuments, on doit du moins s'étonner que rien d'aussi grand n'ait été tenté dans les siècles modernes. De semblables édifices sont d'un tout autre âge que le nôtre et appartiennent à ces temps malheureux où les hommes asservis gémissaient sous le pouvoir absolu d'un seul.

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