lundi 31 août 2009

La théorie du "pull-up" ("tirage") selon Charles Rigano

 
La pyramide de Mykérinos (photo de Jon Bodsworth)
Source : Wikipédia

Après avoir démontré ce qui lui semble être une impossibilité technique à la fois de l'utilisation des rampes, soit verticales, soit enveloppantes, et du recours à des machines telles que décrites par Hérodote, pour la construction des pyramides égyptiennes, l'ancien officier de l'Air Force américaine décrit sa propre théorie comme un "dernier choix", dans un article publié par la revue de l'Egyptian Study Society : "How Pyramids Were Built - Where the Evidence and Lack of Evidence Leads" (The Ostracon, vol.17, n° 1, printemps 2006)
Pour ce faire, il part de l'observation de la face nord de la pyramide de Mykérinos où sont juxtaposés des blocs de revêtement parfaitement lisses et d'autres "non finis", présentant une surface bombée. Dans la mesure où les blocs lisses étaient taillés comme tels, non pas une fois en place sur la pyramide, mais auparavant, sur le site d'extraction en carrière, la mise en place de blocs avec une excroissance bombée ("bulbous projection") devait bien avoir une finalité particulière (et non pas comme la phase intermédiaire d'un travail inachevé). Pourquoi, en effet, hisser des blocs "inachevés", et donc d'un poids plus élevé, alors qu'il était possible de les rendre lisses, donc de les alléger, sur le site d'extraction ?
L'auteur ajoute que d'autres blocs de revêtement "non terminés" peuvent être observés sur la pyramide satellite GIII-a de Mykérinos (face sud) ainsi que sur la pyramide satellite GI-c de Khéops (face sud).
"Cela nous amène, poursuit Charles Rigano, au seul choix réel qui nous reste : ces faces bombées auraient-elles été utilisées comme supports de matériaux sur les côtés de la pyramide ? Si ces matériaux furent entassés sur le côté de la pyramide pour former une pente glissante ("steep slideway"), les blocs de la pyramide auraient pu être tirés le long de cette pente depuis le haut, selon la technique du "pull-up". Les faces bombées auraient aidé à faire tenir les matériaux entassés et auraient protégé le revêtement de la pyramide. Les blocs sur des traîneaux auraient pu être tirés sur le côté de la pyramide par des hommes ou des animaux à partir du sommet plat de la pyramide en cours de construction."
L'auteur applique ensuite sa méthode du "pull-up" à la Grande Pyramide : les blocs les plus lourds (de 3 à 12 tonnes) ont été mis en place jusqu'à la 9e assise avec l'utilisation de "courtes rampes" ; ensuite, au-dessus du 9e niveau, les blocs, à quelques exceptions près, sont nettement plus petits (de 1 à 2 tonnes, voire moins de 1 tonne vers le sommet de la pyramide) et ont été "tirés" le long de la face de la pyramide par des équipes de tireurs installés sur l'espace plat de la pyramide en cours de construction. Au fur et à mesure que l'on progressait en hauteur, le poids des blocs diminuait ainsi que le nombre de tireurs, l'espace de manœuvre devenant de plus en plus réduit. Dans ces conditions, le nombre total de tireurs n'a jamais dû dépasser 1.100 et le temps théorique nécessaire pour achever la pyramide est, aussi surprenant que cela puisse paraître, d'un peu moins de 9 années.
Ultime détail : cette méthode de construction ne devait laisser que peu de traces, dans la mesure où elle ne faisait appel à aucun aménagement monumental. Lorsqu'un pharaon mourait avant la fin de la construction de sa pyramide, les bâtisseurs revêtaient celle-ci de boue ("mud") qui, si elle n'était pas enlevée manuellement, devait disparaître sous l'effet des "forces naturelles".
En résumé :
- la théorie du "pull-up" ("levage") est réalisable et peut être appliquée dans un nombre raisonnable d'années ;
- elle ne nécessite aucune grande rampe à détruire après la construction de la pyramide : d'où économie de temps ;
- elle nécessite une infrastructure réduite au minimum et conforme au savoir-faire des constructeurs ;
- elle économise de la main-d'œuvre, laquelle pouvait être employée pour les travaux d'extraction en carrière.

Source

samedi 29 août 2009

Récit de l'ascension de la Grande Pyramide, par Paul Lucas (XVIIe s.)


Dans le Voyage au Levant qu'il effectua de juin 1699 à juillet 1703, le voyageur et écrivain français Paul Lucas (1664-1737), "antiquaire du Roi", fit une halte au Caire. Dans le récit qu'il fit de ce voyage, il raconta sa découverte du site des pyramides de Guizeh en ces termes :

"Quand nous fûmes sortis [de l'intérieur de la Grande Pyramide], nous nous rafraîchîmes un peu et nous nous dinâmes ; après quoi, je demandai si quelqu'un me voulait suivre pour monter tout au haut de la pyramide. Il y en eut deux de la compagnie qui furent assez hardis pour m'accompagner. Il est assez difficile d'y monter ; les degrés n'en sont pas réguliers, et ils sont pour le moins de trois pieds de haut chacun, et n'ont guère qu'un pied de large. Nous faisions du mieux que nous pouvions pour grimper, et nous avions assez de peine. De temps en temps nous trouvions des marches presque toutes rompues ; et un certain ciment qui est sur les autres embarrasse assez ceux qui montent. Quand nous fûmes vers le milieu, nous trouvâmes une grande brèche où il paraît manquer beaucoup de pierres ; il semble même qu'il n'y en ait jamais eu. Nous entrâmes dans la brèche pour nous rafraîchir d'un peu d'eau douce que nous avions, et nous y reposer du grand travail que nous venions de faire. Nous reprîmes donc courage en cet endroit et nous nous remîmes à monter.
Il est dangereux de regarder derrière soi en montant, de crainte des étourdissements qui pourraient bien faire faire la culbute jusqu'en bas. Après avoir eu beaucoup de peine, nous nous trouvâmes au haut. Ce qui paraît d'en bas fort pointu est une plate-forme qui a plus de 10 pieds en carré, et plus de 50 hommes pourraient être dessus. Cinq pierres couvrent cette grande place, et par là on doit juger de leur grandeur. Il y a un endroit où il semble qu'une pierre manque, et même qu'elle n'y a jamais été : si elle y était, elle serait la sixième qui couvrirait toute la plate-forme.
(...)
Nous descendîmes ensuite ; et il est vrai que j'eus beaucoup plus de peur en descendant qu'en montant. Comme il est dangereux de s'étourdir, je fus obligé de descendre à reculons, et je n'étais pas encore à moitié que j'aurais bien voulu être en bas, où nous arrivâmes enfin. Je comptai en descendant deux cent quarante-trois degrés qui étant hauts de plus de 3 pieds chaque, on peut dire que la pyramide a plus de 719 pieds (*) de hauteur en ligne droite, sans compter ce que l'on descend par dedans où il y a encore plus de 40 pieds de profondeur."

(*) il faut plutôt lire 729 pieds (précision apportée par Steve Mayer)

vendredi 14 août 2009

A. Fillemin : Une construction "qui commençait par le centre et se développait extérieurement"

La chambre souterraine (photo J. et E. Morton)


Dans son article "Les pyramides de Ghiseh", publié par La Revue contemporaine, 17e année, 1868, 2e série, tome 66, le voyageur A. Fillemin décrit sa découverte des pyramides qu'il visite de l'extérieur (il monte au sommet de Khéops) et de l'intérieur :

Les pyramides de Ghiseh reposent sur un plateau élevé de trente mètres au-dessus de la vallée du Nil et nivelé de main d'homme. Nous suivons, pour y parvenir, un sentier montant et sablonneux, et bientôt un détour du chemin me place brusquement en face de l'un des colosses. Douze ou quinze ânes se reposent à son ombre, attendant les touristes qui m'ont précédé. Je saute à bas de ma monture, je m'approche de la montagne artificielle, et j'ai peine à en croire mes yeux en mesurant du regard cette prodigieuse façade et cet amoncellement inouï de pierres de taille. De la base au sommet, l'édifice est composé d'assises régulières de blocs superposés de soixante à quatre-vingt-dix centimètres de hauteur sur deux ou trois mètres de longueur ; elles sont au nombre de deux cent six, et ce sont ces assises qui, placées en retrait l'une au-dessus de l'autre, forment les degrés de l'escalier gigantesque par lequel on monte au sommet. On est généralement disposé à croire que la masse intérieure a été construite en moellons, plus ou moins gros reliés entre eux par du mortier; il n'en est rien : nous aurons plus tard la preuve que les pyramides sont entièrement formées de pierres taillées avec soin et régulièrement assemblées. On ne se lasse pas d'examiner ces blocs énormes; on s'épouvante de leurs dimensions, de leur nombre, du travail effroyable que représente cette œuvre colossale ; on se sent si petit, si écrasé, qu'on a peine à comprendre que l'homme, frêle créature, ait pu accomplir un travail si prodigieux.
(...)
Hérodote nous a laissé des détails intéressants sur les pyramides et sur le mode de leur construction. On croit généralement, d'après lui, que les matériaux en ont été pris sur la rive droite du Nil, dans des carrières immenses ouvertes en face des champs où fut Memphis et qu'on ne peut parcourir sans un vif intérêt. Il n'y a ici que la moitié de la vérité. Le fait est que dans les matériaux dont sont formées les pyramides il y a deux sortes de pierre, que la vue seule fait facilement reconnaître : l'une est un calcaire grossier, abondant en coquilles et en petits cailloux ; il n'est pas susceptible de poli et se délite assez facilement. C'est le calcaire de la chaîne libyque, sur laquelle s'élèvent les pyramides, et il forme le gros de la construction. L'autre est un calcaire fin, ayant la consistance du marbre, susceptible de poli et se prêtant aux formes les plus variées par sa dureté et la finesse de son grain. C''est le calcaire de la chaîne arabique, qui borde la rive opposée du Nil. Il forme le revêtement des pyramides tant à l'extérieur que dans les couloirs, galeries et salles de l'intérieur, et c'est de cette pierre que parle Hérodote lorsqu'il rend compte de cette œuvre de géants, terminée, lors de son voyage en Égypte, depuis plus de trente-cinq siècles.
Laissons un instant la parole au « père de l'histoire ». Il avait recueilli sur place, il y a deux mille trois cents ans, les renseignements qu'il nous donne, et malgré quelques inexactitudes que j'aurai occasion de relever, on le lit toujours avec un vif intérêt. « Chéops, nous dit-il, fit d'abord fermer les temples et prohiba toute espèce de sacrifices ; ensuite il condamna tous les Égyptiens indistinctement aux travaux publics. Les uns furent contraints à tailler les pierres dans les carrières de la chaîne arabique et à les traîner jusqu'au Nil ; d'autres, à recevoir ces pierres, qui traversaient le Nil sur des barques, et à les conduire dans la montagne, du côté de la Libye. Cent mille hommes, relevés tous les trois mois, étaient continuellement occupés à ces travaux, et dix années, pendant lesquelles le peuple ne cessa d'être accablé de fatigues de tout genre, furent employées à faire seulement un chemin pour conduire les pierres, ouvrage qui ne paraît pas inférieur à l'érection d'une pyramide. Chéops fit en outre creuser plusieurs chambres souterraines dans la colline sur laquelle sont élevées les pyramides. Ces souterrains étaient consacrés par ce roi à sa sépulture, qu'il avait placée dans une île formée par un canal tiré du fleuve. La pyramide qui porte son nom coûta vingt autres années de travaux. »
(...)
On a pu, par des études faites avec soin sur les lieux, constater le mode suivi pour la construction de ces monuments. Elle commençait par le centre et se développait extérieurement, à la manière de l'aubier dans les arbres. Un noyau central était formé, auquel on ajoutait successivement de nouveaux blocs disposés par assises horizontales placées en retrait les unes au-dessus des autres et s'élargissant sans cesse. La pyramide croissait ainsi en largeur et en hauteur, jusqu'au jour où la mort du souverain auquel elle était destinée mettait fin aux travaux. Ce procédé était en quelque sorte dicté par l'usage qui, dans l'ancienne monarchie égyptienne, autorisait les rois à faire commencer leur tombeau dès leur avènement au trône et en arrêtait les travaux le jour de leur décès. Une tombe, de cette façon, se trouvait toujours terminée : le revêtement seul restait à poser. Il en résulte que la dimension de chaque pyramide était en proportion de la longueur du règne de son auteur, et c'est ce qui explique comment les soixante-dix pyramides qui bordent la rive gauche du Nil varient entre elles du colosse à l'embryon. Le même principe a été suivi dans la construction des hypogées de Thèbes, qui différent entre eux en profondeur comme les pyramides diffèrent en volume.

À l'époque où Hérodote recueillait de la bouche des prêtres de Memphis les renseignements qu'il nous a transmis, Chéops reposait en paix au sein de sa pyramide depuis trois mille cinq cents ans. Le respect dû aux sépultures le protégeait, et d'ailleurs l'entrée du tombeau avait été dissimulée avec tant d'art par un revêtement uniforme qu'elle était complètement inconnue. Il ne faut donc pas s'étonner que le vieux touriste grec n'ait recueilli, sur la mystérieuse distribution de l'intérieur, que des renseignements inexacts, et nous verrons plus bas ce qu'il faut penser de cette « île formée par un canal tiré du Nil » au milieu de laquelle il place la sépulture de Chéops.
(...)
L'ascension de la pyramide [Khéops] se fait par l'angle nord-est, qui présente les dispositions les plus favorables. Sur un point de cette ligne, à peu près à moitié route, se trouve une large échancrure ouverte dans le flanc de la pyramide, comme si l'on eût voulu pénétrer à l'intérieur de ce côté. C'est un lieu de repos assez commode ; on y reprend haleine à l'abri du soleil, et ce n'est pas sans quelque raison qu'on l'a nommé le salon.
(...)
Je ne trouvai point au haut de la pyramide les quarante siècles qui, si l'on en croit le général Bonaparte, y contemplaient les soldats français le 21 juillet 1798 ; je pus y admirer en revanche un des plus merveilleux panoramas qui soient au monde. Il n'y avait personne heureusement sur la plate-forme à ce moment. J'annonçai à mes Arabes que je désirais rester seul pendant quelques instants, et je les priai de m'attendre sur les premiers degrés. Je m'assis successivement sur les quatre faces de la pyramide, et là, du haut de ce merveilleux observatoire, je pris un plaisir infini à me reconnaître et à considérer à loisir les immenses tableaux déroulés sous mes yeux.
(...)
Je ne pouvais m'arracher de ce lieu enchanté. Du haut de ce gigantesque observatoire, il me semblait que seul, détaché du monde entier, je dominais les misères, les infirmités de la nature humaine, et j'en éprouvais une indicible satisfaction. Mes regards s'enivraient dans la contemplation de ces tableaux si divers, si attachants ; la splendeur du ciel ajoutait son prestige à cette scène magnifique, et j'eusse volontiers passé le reste de la journée à laisser errer mes yeux et ma pensée à travers les paysages grandioses et les émouvants souvenirs qui se pressaient autour de moi.
Les charmes de ce séjour aérien n'absorbaient pas toutefois mes facultés à ce point que je ne me reportasse de temps en temps sur la somme prodigieuse de labeur qu'il représente. Je ne pouvais me faire à l'idée d'un despote dépensant pendant un tiers de siècle les sueurs de tout un peuple dans le seul but d'assurer un asile à son cadavre. Parle, réponds-moi, étais-je tenté de dire au bloc sur lequel j'étais appuyé ; raconte-moi les douleurs de ceux qui, du sein de la carrière où tu reposais depuis la création, ont porté à cette hauteur ta masse étonnée. Dis-moi les malédictions sans nombre jetées à la face d'un monarque orgueilleux par les milliers d'hommes qu'il courba sur cet effrayant travail. Mais le bloc n'eût pas répondu. Image de ces malheureux peuples de l'Orient que n'anime pas l'étincelle sacrée de la liberté, la pierre se laisse titiller, mutiler, arracher à son berceau sans qu'une voix s'élève pour la défendre ou pour la plaindre.
(...)
Pendant combien de temps nous descendîmes ainsi [vers la chambre souterraine], je ne saurais trop le dire ; mais cette glissoire de pierre me sembla bien longue, et c'est avec un vrai bonheur que je parvins enfin à un endroit où je pus me redresser et reprendre haleine. Aussi bien, ce point est digne d'attention et mérite que nous nous y arrêtions. Nous sommes parvenus ici, à travers le flanc de la pyramide, au niveau du sol de la banquette sur laquelle elle est construite. La galerie se continue encore en ligne droite, avec les mêmes dimensions et la même inclinaison; seulement c'est dans le roc vif qu'elle pénètre jusqu'à une profondeur de 32 mètres au-dessous du sol. Cette seconde partie offrant plus de dangers que d'intérêt pour les visiteurs, elle a été récemment comblée après avoir été relevée et décrite avec soin. J'en dirai de suite quelques mots. À cette profondeur de 32 mètres, le couloir atteint le niveau des eaux du Nil. Arrivé là, il devient horizontal ; puis, au bout de quelques mètres, il donne accès à une salle taillée tout entière dans le roc et placée dans l'axe vertical de la pyramide. Cette salle, de dimension moyenne, n'a pas été terminée, et l'on remarque sur ses parois des parties de rochers à demi taillées. À la suite de cette salle, et dans le prolongement de la galerie horizontale qui y conduit, se trouve un autre couloir de seize mètres de longueur qui se termine brusquement et n'aboutit à rien. La mort du fondateur de la pyramide interrompit sans doute ces travaux, dont rien n'indique ni le but, ni la destination. Mais si nous nous reportons à Hérodote, nous trouvons dans son récit l'explication de ces singulières dispositions. « Chéops, nous dit-il, fit creuser plusieurs chambres souterraines dans la colline où sont les pyramides ; ces souterrains étaient destinés par ce roi à sa sépulture, qu'il avait placée dans une île formée par un canal tiré du fleuve. » Cette chambre creusée au niveau des eaux du Nil, ce couloir ou canal inachevé qui la suit, tout donne lieu de croire que nous avons ici sous les yeux le commencement d'un travail que le vieil historien nous présente comme achevé. La mort de Chéops, suivant toute apparence, ne permit pas de terminer l'île et le canal projetés, et sa dépouille mortelle fut placée ailleurs. Mais la tradition ne tint pas compte de cette interruption ; le souvenir du plan primitif se perpétua d'âge en âge, et, trente-cinq siècles après, à l'époque du passage d'Hérodote, on était encore persuadé qu'il avait été exécuté dans son entier. Le canal inachevé se dirige, il est vrai, du nord au sud, et court parallèlement au Nil ; mais il n'a que seize mètres de longueur ; un simple détour à l'est pouvait le mettre en communication avec le fleuve, et la disposition des lieux, jointe au témoignage d'Hérodote, ne paraît pas permettre une autre hypothèse sur la destination de ces souterrains.

Numérisation du texte par Google

Selon Belzoni, les pyramides étaient entourées par les eaux du Nil "dans des temps très reculés"


Dans son ouvrage Voyages en Égypte et en Nubie, contenant le récit des recherches découvertes archéologiques faites dans les pyramides, temples, ruines et tombes de ces pays ; suivis d'un voyage sur la côte de la Mer Rouge et à l'oasis de Jupiter Ammon, Volume 1 (traduit de l'anglais par Georges-Bernard Depping, Librairie française et étrangère, 1821), l'explorateur égyptologue italien Giovanni Battista Belzoni (1778-1823) décrit notamment le déroulement du chantier d'ouverture de la pyramide de Khéphren. Puis il propose ces quelques considérations plus générales sur l'ensemble du plateau de Guizeh :

En observant le dehors de la pyramide [Khéphren], je remarquai que le roc qui l'entourait du côté du nord et de l'ouest était de niveau avec le haut de la chambre sépulcrale ; et comme il est coupé et enlevé tout autour, il m'a paru que les pierres provenant de ces excavations ont été employées dans la construction de la pyramide. Je pense donc que toutes les pierres de ce monument gigantesque n'ont pas été tirées de la rive occidentale du Nil, comme d'anciens auteurs le rapportent et le croient. Je ne saurais concevoir comment les Égyptiens auraient été assez simples d'aller chercher des pierres à la distance de sept à huit milles, et de les transporter à travers le Nil, quand ils pouvaient s'en procurer dans le voisinage et sur le lieu même où ils construisaient les pyramides. Il n'y a pas de doute qu'ils n'aient coupé, dans les rochers autour des pyramides, des blocs d'une grosseur prodigieuse : à quelle fin auraient-ils fait ces extractions, si ce n'est pour élever les monuments artificiels qui ont remplacé les rochers naturels ? D'ailleurs, quiconque se donne la peine de s'éloigner à un demi-mille des pyramides, surtout du côté de l'est et du sud, y peut trouver beaucoup d'endroits où les carrières ont été exploitées à une grande profondeur : il remarquera qu'il reste encore de quoi bâtir beaucoup d'autres pyramides, s'il le fallait. Hérodote assure, il est vrai , que les pierres employées à la construction des pyramides ont été tirées des carrières de l'autre rive du Nil ; mais je crois fermement que l'historien grec a été induit en erreur à ce sujet, à moins qu'il n'ait voulu parler seulement du granit. Quant aux chaussées pratiquées en face de ces monuments, et qu'on suppose avoir servi à faciliter le transport des pierres, il me paraît qu'elles ont été construites plutôt pour la commodité de ceux qui viendraient visiter les pyramides, surtout dans la saison des inondations. En effet, si on avait pratiqué ces chemins uniquement pour le transport des pierres, la peine de les construire aurait presque égalé celle d'élever les pyramides.

Au reste, on a déjà tant dit sur ces monuments qu'il ne reste guère de remarques à faire. Leur vétusté annonce suffisamment qu'il faut qu'ils aient été construits antérieurement à tous les autres monuments qu'on voit encore en Égypte. Il est assez singulier qu'Homère n'en fasse aucune mention ; mais son silence ne prouve point qu'ils n'aient pas encore existé de son temps. Peut-être n'a-t-il pas jugé à propos d'en parler, précisément parce qu'ils étaient connus de tout le monde. Il paraît que du temps d'Hérodote, on n'en savait pas plus, sur la seconde pyramide, que lorsque je commençai à l'ouvrir, avec cette différence que, de son temps, la pyramide était à peu près dans le même état où l'avaient laissée ses constructeurs. Ainsi l'entrée devait être cachée par le revêtement qui s'étendait sur le monument entier, tandis qu'à l'époque où j'entrepris de l'ouvrir, cette entrée n'était plus masquée que par les décombres de ce revêtement : ce qui n'empêchait pas que nous ne fussions aussi ignorants qu'au temps d'Hérodote sur la distribution de l'intérieur de la pyramide. L'inscription arabe que j'ai trouvée en dedans prouve qu'elle a été ouverte par quelques-uns des maîtres mahométans de l'Egypte, il y a un millier d'années. Il est sans doute fâcheux qu'on n'ait pas découvert des inscriptions plus anciennes, et plusieurs personnes ont exprimé leurs regrets à cet égard. Mais cette inscription même nous apprend un fait assez curieux ; et d'ailleurs, sans avoir besoin d'inscription, on peut maintenant savoir, presque avec certitude, quelle a été la véritable destination des pyramides.

Puisqu'elles renferment l'une et l'autre des chambres et un sarcophage destiné, sans doute, à la sépulture de quelque grand personnage, il ne reste guère de doute qu'elles n'aient servi toutes deux de tombeaux ; et je conçois à peine comment on a pu en douter d'après ce qu'on avait vu dans la première pyramide, qui depuis longtemps est ouverte. N'y trouve-t-on pas en effet une vaste chambre avec un sarcophage ? Les couloirs n'ont pas plus de largeur que ce qu'il en faut tout juste pour que ce sarcophage ait pu passer. On les avait fermés ensuite en dedans par de gros blocs de granit, dans l'intention évidente d'empêcher l'enlèvement de ce cercueil. Les auteurs anciens s'accordent d'ailleurs à assurer que ces deux monuments ont été élevés pour servir de sépulture aux deux frères Chéops et Céphrénés, rois d'Égypte. Ils sont entourés d'autres pyramides plus petites, entremêlées de mausolées élevés dans des champs de sépulture. On y a trouvé un grand nombre de puits à momies ; et, en dépit de tant d'indices concluants, on a supposé des destinations plus absurdes les unes que les autres, jusqu'à avancer que les pyramides n'ont été que des greniers d'abondance.

(...) je conviens avec les savants que les Égyptiens, en élevant ces masses énormes, ne manquèrent pas d'en construire les deux côtés principaux de manière à les faire correspondre au sud et au nord ; et, comme elles sont carrées, les deux autres côtés correspondent naturellement à l'est et à l'ouest. Leur inclinaison est d'ailleurs telle que le nord se trouve éclairé à l'époque du solstice ; mais c'est là tout ce que les pyramides ont d'astronomique. Il est toutefois certain que les Égyptiens liaient l'astronomie à leurs pratiques religieuses ; car j'ai trouvé des zodiaques non seulement dans leurs temples , mais encore dans leurs tombes.

(...)

Il est assez singulier qu'on ne trouve pas un seul hiéroglyphe ni en dedans ni en dehors de ces monuments gigantesques ; il en est de même de la plupart des mausolées répandus autour des pyramides ; ceux qui en contiennent sont évidemment d'une époque moins ancienne que les autres. Ne doit-on pas en conclure que lors de la construction des pyramides et de la plupart des mausolées d'alentour, les hiéroglyphes étaient inconnus ou inusités dans cette partie d'Égypte ? Cependant une circonstance que je vais citer parait combattre cette opinion. Un des mausolées situés à l'ouest de la première pyramide est dans un tel état de vétusté et de dégradation qu'il s'est écroulé en partie : eh bien, sur un des blocs de ce mausolée, j'ai trouvé, et j'ai fait remarquer à d'autres des hiéroglyphes, mais placés en sens inverse ; ces blocs proviennent évidemment d'un édifice bien plus ancien que le mausolée, et qui a dû être orné d'hiéroglyphes. Tout ce que l'on peut donc conclure de l'absence des hiéroglyphes dans les pyramides et dans la plupart des mausolées, c'est que les générations ou les peuples qui les ont élevés ne faisaient pas usage de cette écriture symbolique dans leurs tombes ; mais l'absence des hiéroglyphes ne prouve rien en faveur de l'antiquité de ces monuments.

On a présumé que la première pyramide, ou celle de Chéops, n'avait point de revêtement. Je le crois aussi : du moins on n'en trouve pas la moindre trace. Quant au revêtement de la seconde pyramide, j'eus l'occasion de faire des recherches à ce sujet pendant les excavations que je fis faire sur le côté oriental du monument. J'y trouvai la partie de la construction inférieure au revêtement restant, travaillée partout avec la même rudesse ; cette observation vient à l'appui de l'assertion d'Hérodote qui dit que le revêtement fut commencé par le haut ; je crois qu'il n'a jamais été continué jusqu'à la base ; car s'il l'avait été, j'en aurais probablement trouvé en bassons les décombres qui, s'étant amoncelés autour de la base, auraient maintenu les pierres dans leur position naturelle, ou qui du moins auraient conservé quelques fragments de l'ancien revêtement, comme ce fut le cas sur la troisième pyramide (...).

On a présumé aussi que le Nil, dans ses inondations, a entouré autrefois les pyramides de manière à les isoler comme des îles. Je ne saurais soutenir le contraire ; puisque effectivement les pyramides sont situées, comme dans une île, sur un banc de rochers qui ne sont séparés de ceux de l'ouest que par une vallée de sable accumulé par le vent dans le cours d'une suite de siècles. On voit une preuve évidente de cette accumulation sur le sphinx dont la base est tellement enfoncée dans le sable, que si les pyramides le sont autant, il n'y a pas de doute que le Nil n'ait pu les entourer de ses eaux dans des temps très reculés.

jeudi 13 août 2009

Selon Gilberto Sozzani, la Grande Pyramide a été construite "en différentes phases successives"

Chambre souterraine (par John et Morton Edgar)
Source : Wikipédia
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Bien que non archéologue, mais seulement un "passionné" d'égyptologie, Gilberto Sozzani propose la théorie "alternative" suivante sur la construction de la pyramide de Guizeh :

- La chambre souterraine, à environ 30 mètres au-dessous du niveau du sol, représente une première structure de la future pyramide. Elle fut peut-être recouverte d'un tumulus. Son "puits" serait à mettre en relation avec un rituel proche de celui qu'évoque la tombe d'Osiris, découverte récemment, ainsi que celle d'Osireion à Abydos. Cette chambre souterraine a par conséquent été vraisemblablement construite bien avant 2.550 ans av.J.-C. Il est possible que des profanateurs aient pénétré à l'intérieur du tumulus, en creusant notamment une partie du conduit vertical qui débouche dans le couloir descendant.
- La Chambre de la Reine, avec ses deux "conduits d'aération", est accessible par deux couloirs (ascendant et horizontal) qui n'ont aucun caractère monumental. Elle représenterait une seconde structure, construite postérieurement à la chambre souterraine.
- La Grande Galerie, très impressionnante par son caractère monumental, part du niveau de la Chambre de la Reine pour aboutir à celui de la Chambre du Roi, cette dernière n'étant pas dans le même axe vertical que la Chambre de la Reine. Elle représente, selon Gilberto Sozzani, une troisième phase constructive ayant fait l'objet d'un projet particulier. À ce stade, la pyramide aurait pu avoir sa forme extérieure définitive, avec y compris le léger renfoncement des faces le long de l'apothème des quatre triangles pour rendre la structure dans son ensemble plus compacte et plus résistante.  
Les inscriptions trouvées par Vyse (avec le nom de Khoufou) dans les chambres de décharge de la Chambre du Roi font référence à une datation, mais seulement pour cette partie de l'édifice.
- Le conduit vertical qui va du début du passage vers la Chambre de la Reine au couloir descendant fut également construit en différentes périodes, sinon son tracé oblique à mi-parcours n'aurait aucune raison d'être. Son état de non-finition amène à penser qu'il n'a eu que des fonctions pratiques, non pas pour l'élimination des déchets de chantier (le couloir ascendant pouvait très bien servir à cette fonction), mais pour l'évacuation des ouvriers ayant bloqué de l'intérieur le couloir ascendant.
- Le sommet de la pyramide présente un espace vide de quelques mètres de côté. Selon certains, cet espace était prévu pour accueillir la pierre sacrée benben. En réalité, outre le fait qu'elle aurait posé des problèmes de transport insurmontables, la mise en place d'un tel bloc aurait nécessité l'utilisation de rampes qui, à ce stade de la construction, n'existaient plus. Cet espace avait dû plus exactement être prévu, durant la construction même, comme emplacement pour "quelque chose d'autre" (une statue du pharaon ? un obélisque ?), en tout cas un élément constructif dont on n'a plus aucune trace et qui, peut-être même, n'a jamais été érigé.
Source

lundi 10 août 2009

Le "genou avec rouleaux en barillet tournant" de Jean-Louis Lespagnol



Dans son ouvrage "Pyramide - Dossier d'exécution" (édité par l'auteur, Lille, 1994, 248 pages), Jean-Louis Lespagnol prend comme point de départ une hypothèse que nous avons déjà rencontrée chez d'autres auteurs : Comment m'y prendrais-je pour construire une pyramide ? Et ça tombe bien, puisqu'un certain Monsieur Khéops vient de passer commande ! Pas une minute à perdre... Il est temps de faire fonctionner la planche à dessin et la machine à calculer.
Bilan de l'opération : avant le début des travaux de construction, tout est fin prêt, défini minutieusement, pierre par pierre, minute par minute, tous les détails relatifs au planning, aux effectifs, au déroulement du chantier, à la sécurité... ayant été pris en compte :"Le délai de construction est de 30 ans. À raison de 8 h. par jour (y compris dimanches et fêtes), cela signifie la mise en place d'un bloc toutes les 2 à 3 minutes. Nous proposons donc une organisation de chantier du type industriel, à la chaîne (un ouvrier, un geste et un seul, et trois minutes plus tard, ce même ouvrier, le même geste)." (op. cit. p. 9)
L'extrême précision de l'auteur et son souci du détail donnent à son "dossier" une complexité qu'il est difficile, voire impossible de présenter et résumer en quelques lignes. Je retiendrai donc exclusivement ici les procédés de manutention des blocs de pierre que Jean-Louis Lespagnol a choisis pour "son" chantier. J'en recense globalement trois : le tirage sur traîneaux (pour acheminer les blocs jusqu'au pied de la pyramide), la "bascule" à l'aide de cordages (pour la mise en place définitive d'un bloc de revêtement déjà hissé sur son assise) et le levage.
Notons au passage l'interprétation de l'auteur concernant les "crossai(s)" et les "bomides" auxquels fait allusion Hérodote. Il s'agit pour lui de deux formes d'escalier, de hauteurs différentes : le premier ("bomides") est un escalier-support, greffé sur les assises de la pyramide, sur lequel prennent place les ouvriers munis de leviers pour hisser des pierres de parement ; le second ("crossais"), en saillie par rapport au premier, est fait de bandes de marches supplémentaires et plus étroites, sur lesquelles reposent les pierres en cours de manœuvre.
La technique de levage est particulièrement développée dans l'ouvrage. C'est elle en effet qui sera mise en œuvre pour l'essentiel du chantier.



Jean-Louis Lespagnol retient que, pour hisser les blocs de pierre, les ouvriers doivent (ont dû ?) utiliser des cordages reliés à des "poutres tireuses" auxquelles sont attachés les blocs (les poutres ayant pour fonction de stabiliser les blocs en cours de montée). Le "hic" de cette technique est le, ou plutôt les renvois d'angle, puisque les tireurs sont placés sur l'assise en cours de construction et sur la face opposée de la pyramide. Comment, en tout premier lieu, éviter l'usure et ménager la résistance des cordages tout en ne contrariant pas l'effort des tireurs ?
L'astuce repose sur ce que Jean-Louis Lespagnol appelle un "genou avec rouleaux en barillet tournant", le "genou" étant la forme arrondie donnée à une arête ou à un angle préalablement trop "brut", une idée venue à l'auteur "en s'amusant à faire rouler un crayon entre son genou et la paume de la main". Un rouleau placé à l'angle formé par une face et une assise de la pyramide permet effectivement d'"arrondir les angles" et donc de faciliter la manutention (d'où l'idée du "genou"). Mais un rouleau seul ne peut suffire : une fois qu'il a rempli sa fonction, il change de place, et le problème reste posé du frottement du cordage sur la pierre brute. D'où la seconde idée du "barillet tournant", alimentant en permanence en rouleaux l'angle concerné.
Plus plus de détails, et afin de ne pas trahir la précision de l'auteur, je le cite :"Le genou est (...) placé en l'air, supporté latéralement. Il a [une] forme étroite, et il est toujours dégagé sur les côtés. Il 'est' dans le barillet, entre ses flasques. Les deux flasques du barillet sont reliées entre elles et maintenues à distance par des barreaux. Chaque espace entre deux barreaux reçoit un rouleau. Une couronne intérieure d'une part, et une couronne extérieure d'autre part, toutes deux plus larges que les flasques, sont fixées sur la partie cylindrique des flasques pour éviter que le rouleau ne quitte son logement, dans lequel il se trouve quand même très à l'aise. Seuls les rouleaux sont en contact avec le genou. Les couronnes intérieures ne font que longer ce genou ; elles sont dans les dégagements entre genou et supports. (...) Notons que le barillet, pendant le mouvement, ne repose sur 'rien' Il est suspendu par la couronne extérieure aux quelques rouleaux qui sont en prise. Il ne subit comme charges que son propre poids et le poids des rouleaux (et encore, ceux qui ne sont pas en prise). Il n'y a aucune espèce de contact avec les énormes charges que supporte le gros cordage." (op. cit. pp. 65, 69)



Quatre compléments à la mise en œuvre de cette technique de levage :
- les "genoux" peuvent être installés en série compte tenu de la masse des blocs à lever ;
- le bloc, acheminé jusqu'au pied de la pyramide par traîneau, glisse, au démarrage de l'opération de levage, sur une "pastille" remplaçant le traîneau sur le flanc de la pyramide : elle est constituée d'une couronne rectangulaire à coins arrondis, de deux butées (pour retenir le bloc) et de divers "bois quelconques au centre, à peine équarris, (...) qui supporteront tous les frottements" ;
- sur le flanc opposé et pied de la pyramide, le "genou" est placé la tête en bas pour l'ultime renvoi d'angle ;
- une muraille d'environ 4 m d'épaisseur et de 3,2 m de hauteur, construite en pierraille, a pour fonction d'assurer tout le système de levage avec les renvois d'angle et les genoux à barillet.


Quant aux longs mégalithes à installer dans la Chambre du Roi, ils ne sont pas hissés sur des "pastilles" : ils sont montés non pas par glissement, mais par roulement :"(Chaque mégalithe) sera 'fagoté', c'est-à-dire entouré partiellement de bois légers. Ces bois donneront à l'ensemble une allure de cylindre. (...) Le fagoté sera d'abord placé au pied de la pyramide. Il sera entouré de cordages venant du haut de la pyramide où ils seront bien ancrés. Les autres extrémités de ces cordages rejoindront des tireurs-marcheurs dans la plaine opposée, après être passées sur des genoux à barillet habituels." (op. cit. p. 201)

Les illustrations de cette note sont extraites de l'ouvrage de Jean-Louis Lespagnol. Dans l'impossibilité d'identifier les coordonnées de l'auteur, je n'ai pas pu lui en demander l'autorisation expresse. J'ai néanmoins inséré ces schémas dans la mesure où ils me semblent indispensables à la bonne interprétation de la théorie ici présentée.
Cliquer sur l'illustration pour l'agrandir.

samedi 8 août 2009

Citation

De l'écrivain et poète français Jean-François Ducis (1733-1816), de l'Académie française, dans ses Oeuvres, tome 3 :
 "Les belles tragédies doivent être comme les pyramides d'Égypte, qui, soutenues par leurs proportions, et cimentées de pierres choisies, durcirent aux injures du temps, pour être le dépôt de l'éternité."
Il fallait que ce fût dit... et d'élégante manière !

vendredi 7 août 2009

Bob Brier revient sur son ascension de la Grande Pyramide


L'égyptologue américain Bob Brier travaille en collaboration avec Jean-Pierre Houdin sur la théorie de la construction de la pyramide de Khéops à l'aide d'une rampe intérieure. Dans le but de consolider les acquis de cette théorie, il a effectué une escalade de la Grande Pyramide pour y examiner une encoche sur l'arête nord-est, aux deux tiers de sa hauteur (environ 80 mètres). Cette "anomalie" (qui n'est pas due, selon toute vraisemblance, à un éboulement ou à une dégradation intentionnelle pour cause de vandalisme) a la configuration d'un palier ou d'une plateforme d'environ 4,50 m sur 4,50 m. 
Voir présentation sur ce blog.
Dans un article d'Archaeology.com, une publication de l'Institut archéologique américain, il revient sur ce qu'il faut bien appeler un "événement", sans apporter, certes, d'éléments nouveaux, mais en relatant à nouveau l'importance des découvertes et relevés réalisés à cette occasion : l'emplacement exploré a la forme d'un L, une configuration permettant la manœuvre de traîneaux chargés de blocs de pierre pour les faire passer d'une volée de la rampe intérieure à une autre.
Bob Brier termine son exposé en ces termes :"Un examen minutieux des photos et une vidéo en haute définition révèlent plusieurs détails importants sur la "chambre" en forme de L. Quelques blocs de pierre supportant le plafond ont été taillés en "partial arches" (éléments d'un arc) et l'un de ces blocs a de toute évidence été mis en place comme une clé de voûte pour terminer le plafond. Cela signifie que la pièce a été planifiée et construite ; elle n'est pas le résultat de blocs qui auraient été enlevés [par la suite]."

Source : Archaeology.org

jeudi 6 août 2009

Les "révélations" d'Andrew Collins sur le monde souterrain de Guizeh

 
Illustration extraite du site d'Andrew Collins

"J'ai une nouvelle incroyable à vous annoncer. Il est important que vous l'appreniez tout d'abord de moi-même, et non en seconde main par le biais de blogs ou de forums. En mars 2008, notre équipe a découvert un important complexe souterrain de cavités, couloirs et compartiments dans le substrat rocheux calcaire sous le plateau des pyramides de Guizeh. Son existence n'a pas retenu l'attention depuis qu'elle a été mentionnée pour la dernière fois dans les mémoires d'un diplomate britannique et d'un explorateur il y a 200 ans de cela. On y trouve des vestiges archéologiques intacts, de même qu'un délicat éco-système comprenant des colonies de chauves-souris ainsi qu'une espèce d'araignée qu'on a tenté d'identifier comme la 'veuve blanche'. On dit également que les cavités seraient hantées par un serpent mythique du nom d'Al-Hanash."
On ne pouvait assurément assurer meilleure auto-promotion d'un ouvrage à paraître très prochainement sous le titre de Beneath the Pyramids ("Sous les Pyramides").
Le diplomate auquel fait référence l'écrivain britannique Andrew Collins, auteur de cette annonce, est Henry Salt, consul général de Grande-Bretagne en Égypte. Il explora en 1817, en compagnie de l'Italien Giovanni Caviglia, sur "plusieurs centaines de yards", tout un réseau de "catacombes" sous les pyramides et déboucha sur une grande chambre reliée à trois autres d'égales dimensions. Après n'avoir trouvé ni or ni trésor, ils poursuivirent leur recherche dans l'obscurité à travers un véritable labyrinthe de passages.
Sans préciser dans quelles conditions ni avec quelles autorisations, Andrew Collins révèle qu'en 2007, avec l'aide de Sue Collins et Nigel Skinner-Simpson, un chercheur égyptologue britannique, il explora, à l'ouest de la Grande Pyramide, une tombe apparemment non répertoriée, mais simplement mentionnée par le colonel Howard Vyse et John Shae Perring. Ces deux explorateurs britanniques en auraient extrait la momie d'un grand oiseau. D'où la conclusion suggérée par Andrew Collins : la tombe aurait été le lieu d'un culte soit au dieu faucon Horus, soit plus vraisemblablement à Sokar, une autre divinité à tête de faucon.
Convaincus que l'entrée des "catacombes" était par la "tombe des oiseaux", l'écrivain et sa petite équipe explorèrent à nouveau cette tombe le 8 mars 2008. Ils découvrirent alors une fissure dans la roche, donnant sur une grande cavité remplie de débris de rochers. De l'intérieur sortirent des douzaines de chauves-souris, sans doute dérangées par cette intrusion dans leur environnement. Après avoir pénétré dans cette cavité, les explorateurs poursuivirent leur progression à l'intérieur des catacombes sur une distance d'environ 80 mètres. Ils y découvrirent des cavités "incontestablement naturelles, creusées par l'action de l'eau sur des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers d'années, puis, beaucoup plus tard, agrandies par la main de l'homme".
Au cours de visites ultérieures, Andrew Collins et son équipe poursuivirent leur recherche sur une plus grande profondeur, "suivant les pas de Salt et Caviglia qui explorèrent ces catacombes 200 ans plus tôt". Ils réalisèrent rapidement que ces cavités sont très dangereuses, avec des puits et des creux, des colonies de chauves-souris et la fameuse 'veuve blanche', et surtout le manque d'oxygène qui "peut être fatal".
Quoi qu'il en soit, Andrew Collins estime être en possession de suffisamment d'éléments ("Je peux vous assurer que les découvertes sont réelles") pour justifier la publication de son nouvel ouvrage à paraître sous peu. Avec assurément tout le suspense nécessaire pour susciter et entretenir la curiosité...
Comment, une fois encore, ne pas terminer avec la réaction de Zahi Hawass ? "Il n'y a pas de nouvelles découvertes à faire à Guizeh, a-t-il déclaré. Nous connaissons tout du Plateau. Les amateurs ne peuvent rien trouver de nouveau."
Plus d'informations sur le site d'Andrew Collins

mercredi 5 août 2009

Transport des blocs de pierre : une nouvelle hypothèse de Michel MICHEL

Michel MICHEL, auteur d'une théorie sur la construction de Khéops, développée dans Mystérieuses pyramides et présentée dans ce blog (voir ICI), apporte un complément pour l'aspect technique du transport des blocs de pierre et autres mégalithes.
Selon lui, au vu des éléments d'information et documents à sa disposition, le transport par traîneaux sur des rampes présente les caractéristiques suivantes :
- les rampes ont en commun des cavités creusées perpendiculairement au sens de déplacement et semblant destinées à recevoir des planches pour faciliter le mouvement des traîneaux ;
- les traîneaux ont en commun que les traverses reliant les patins ont la même épaisseur que les patins (les sous-faces des traverses sont au même niveau que celles des patins).

Illustration extraite de Wikipédia
Michel MICHEL observe ensuite que, dans l'hypothèse du déplacement d'un traîneau sur un surface argileuse, un bourrelet de boue doit inévitablement se former devant la traverse, ralentissant, voire empêchant le déplacement du traîneau. Dans l'hypothèse du déplacement des traîneaux sur des planches, celles-ci s'usent inévitablement plus rapidement là où frottent les patins, les traverses finissant par butter contre la partie centrale non usée des planches.
Illustration Michel MICHEL
D'où sa théorie formulée en ces termes :"On commence par creuser des cavités transversales. On remplit de boue ces cavités. On pose des planches de bois dur (acacia) sur la boue. On fait avancer le traîneau avec sa charge. Sous la charge, les planches s’enfoncent dans la boue en prenant une légère inclinaison vers l’intérieur (les planches forment un V). De ce fait, seul le bord extérieur des patins reposent sur les planches. Les surfaces de frottement sont donc très réduites. On renouvelle l'opération au fur et à mesure de l'avancement du traîneau. La boue, une fois séchée, fournit un encastrement stable aux planches. Ainsi préparée, la rampe ou la route servira pour le transport de nombreuse pierres. Le fait de mouiller les planches améliore sensiblement le coefficient de frottement."
Ayant réalisé une expérimentation à échelle réduite (1/10 env.), Michel MICHEL souhaite la poursuivre, mais en grandeur réelle. Il est, pour ce faire, à la recherche d'un financement. Il s'agirait de construire une cinquantaine de mètres de voie aménagée (cent planches de bois dur 200x20x2 cm), de fabriquer un traîneau en cèdre 300x80x20 cm, d'avoir à disposition un bloc pesant une tonne minimum et de rémunérer les haleurs (6 par tonne transportée sur terrain en pente). Selon lui, seule une telle reconstitution grandeur nature permettrait de tirer des enseignements sur le nombre de haleurs par tonne, l'incidence de la pente sur le nombre de haleurs, la pente maxi acceptable, etc. Contacts : sur le site Mystérieuses pyramides (cliquer en bas de page sur "Pour m'aider ou m'encourager").

Cette théorie a fait l'objet d'une communication sur le forum Numerus.
Elle est reproduite ici avec l'aimable autorisation de son auteur.

mardi 4 août 2009

23 août 2470 avant J.-C.: une date à retenir ?

À un jour près, le 23 août 2470 avant notre ère marquerait, selon certains scientifiques égyptiens, le début de la construction de la Grande Pyramide de Guizeh.
Ils ont fait cette étonnante déclaration lors d'une conférence de presse tenue en présence et avec l'accord de Sayyid 'Abd al-'Azîz, actuel gouverneur de la province de Guizeh.
Les recherches pour aboutir à une telle conclusion ont été effectuées dans le plus grand secret par des archéologues et astronomes, sur la base de "faits historiques" et de "calculs astronomiques". Elles ont été supervisées par 'Abd al-Halîm Nûr al-Dîn, ancien président du Conseil supérieur des antiquités égyptiennes.
Sera-t-on surpris de l'épilogue ?  L'incontournable Zahi Hawass a tenu à manifester sa désapprobation, estimant que "la datation exacte est impossible lorsqu'il s'agit d'événements aussi reculés".

Le "mur intercalaire" de Michel MICHEL

La théorie proposée par Michel MICHEL comme une "hypothèse" sur son site Mystérieuses pyramides comporte de nombreux développements qu'il m'est impossible de reprendre ici dans le menu détail.
Je l'ai déjà présentée sommairement dans ce blog - voir ICI - en ignorant alors la véritable identité de son auteur.
En complément de ma première note, je précise que Michel MICHEL consacre la plus grande partie du contenu de son site à la description de la Grande Pyramide, en insistant sur des observations et constats qui sont le fruit d'une "étude architecturale stricte et méticuleuse (...) qui laisse augurer de fabuleuses découvertes":
- plan de la pyramide
- le message de la pyramide (le couloir secret menant à un petit bloc rectangulaire, enchâssé dans les 2 murs du couloir ascendant)
- l'entrée 2
- la Grande Galerie (et son dispositif constitué de 13 réservoirs de sable, 50 goulottes et 54 blocs mobiles)
- les Magasins
- la Chambre funéraire (à proximité de la "Chambre du Roi" ?)
- le couloir inconnu
- les conduits
- la pyramide squattée ?




vert : rampe
rouge : mur intercalaire provisoire en briques
bleu : pyramide à degrés
rose : revêtement
jaune : pyramidion

Concernant les techniques de construction proprement dites, l'auteur distingue trois étapes :"On construit d'abord une pyramide à degrés ; on achemine ensuite les pierres de complément vers le sommet ; on pose enfin le revêtement de haut en bas."
Pour leurs "nombreux défauts", les rampes enveloppantes sont abandonnées (instabilité des rampes sur une surface partiellement biseautée ; impossibilité de contrôler l'alignement des blocs de revêtement, masqués par les rampes ; fragilité aux angles des rampes lorsqu'un traîneau négocie un virage ; nécessité de construire des rampes de 15 mètres d'épaisseur pour acheminer les blocs les plus longs).
Par contre, les bâtisseurs égyptiens ont dû avoir recours aux plans inclinés en briques crues (rampes) pour tirer leurs traîneaux sur un sol rendu plus glissant avec un enduit argileux. "Cette méthode, commente Michel MICHEL, est universellement reconnue et ne souffre aucune critique. Il semble qu'elle donnait entière satisfaction et, par conséquent, c'est assurément celle-ci (ou une adaptation de celle-ci) qui fut aussi adoptée pour élever les pierres des pyramides. C'est, par ailleurs, la seule méthode connue des Égyptiens qui permettait l'acheminement des pierres à une cadence soutenue. Avec ce procédé, les convois peuvent en effet se suivre sans difficulté à raison de un toutes les deux ou trois minutes (cadence officiellement retenue)." Puis d'ajouter :"Rareté du bois, rendement déplorable, incapacité à soulever les lourdes charges, absence totale de représentations graphiques et de descriptions écrites sont autant de raisons qui me poussent à exclure l'utilisation de machines de levage."
L'originalité de la théorie de Michel MICHEL tient dans ces remarques :"Pour construire une pyramide à degrés, la méthode traditionnelle la plus simple, la plus solide, la plus rationnelle et la plus économique consiste à accoler latéralement à chaque degré en cours de construction une rampe en briques provisoire. C'est la méthode d'Hölscher, celle qui fut assurément utilisée pour construire les pyramides à degrés. Toutefois, ce procédé interdit la pose du revêtement, puisque les rampes occupent la place qui devrait revenir au revêtement. C'est là que les archéologues sèchent, préconisant du même coup la construction simultanée du noyau interne à degrés et du revêtement lisse. J'estime cependant que c'est de cette méthode qu'ils se sont inspirés pour construire les pyramides lisses, car elle est simple, économique et conforme aux techniques traditionnelles. Pour palier ce problème, il suffit d'intercaler un mur provisoire en briques entre la rampe et le degré correspondant. Cela a pour effet de placer les rampes au-delà de la ligne de pente définitive de la pyramide. (...) Parvenu au sommet, on détruit le mur intercalaire. Cela a pour conséquence de libérer suffisamment d'espace pour disposer les blocs de revêtement en utilisant la rampe correspondante puisqu'elle est toujours accessible. (...) On habille ainsi le degré supérieur en empilant quatre couches de blocs de revêtement les unes par dessus les autres (chaque degré étant apparemment constitué de quatre assises). On procède de la même manière pour le degré inférieur et ainsi de suite jusqu'à la base."
Puis l'auteur conclut en ces termes :"La méthode décrite ci-dessus s'applique sans difficulté aux parties inférieures de la pyramide, tant que la pente des rampes reste raisonnable. Vers le sommet, en revanche, on disposera les rampes autour de plusieurs faces pour limiter (la pente) à 8% maximum. Globalement, ma méthode consiste donc à placer le revêtement d'un degré (4 couches), puis à intercaler sous celui-ci le revêtement du degré situé immédiatement au dessous. Un espace (de quelques millimètres?) est donc nécessaire toutes les quatre assises pour permettre l'insertion de la 4° rangée de blocs de revêtement du niveau inférieur."
(Michel MICHEL a développé par ailleurs une autre théorie pour le transport des blocs de pierre : elle fera l'objet d'une prochaine note)