samedi 20 février 2010

De l'eau, du soleil et des "petits morceaux de bois" : ça suffit, selon Mario Pincherle, pour hisser les monolithes de la Chambre du Roi (Grande Pyramide)

Ingénieur de formation, l'Italien Mario Pincherle (né en 1919) est un auteur-traducteur prolixe, intéressé par l'histoire, l'archéologie, la philologie et les techniques anciennes.
À la suite de son premier voyage en Égypte, il a élaboré une théorie qui ne sera pas présentée ici : l'existence, au cœur de la pyramide de Khéops, d'une mystérieuse tour englobant la Chambre du Roi et les chambres supérieures, qui aurait été transportée de Mésopotamie et qu'il a dénommée "Zed", "ancoraggio del cielo alla terra" (ancrage du ciel à la terre).
Lorsque, dans un texte publié en 1969 dans les Atti della Accademia nazionale dei lincei, sous le titre La costruzione della grande piramide di Cheope : soluzione di un problema tecnico, il aborde la sempiternelle question des techniques utilisées pour la construction de la Grande Pyramide, et en tout premier lieu pour le transport des monolithes jusqu'à la hauteur de la Chambre du Roi, Mario Pincherle garde en permanence à l'esprit, jusqu'à l'obsession, les "petits morceaux de bois" mentionnés par Hérodote, lequel auteur doit avoir a priori raison, en "fidèle chroniqueur" qu'il a été. On n'échappe pas, selon lui, à cette relation qui a été inspirée à l'historien grec par les prêtres de l'Égypte ancienne, même si quelque deux mille années séparent ladite relation de la construction de la pyramide.
Mais comment hisser des monolithes, par la Grande Galerie, avec de tels petits morceaux de bois ?
Pour répondre à cette question, Mario Pincherle pense que les Égyptiens n'eurent pas recours aux esclaves, car leur nombre aurait été incompatible avec la configuration de la pyramide. Par contre, "la grande forza dell'Egitto è data dall'acqua del Nilo e dai raggi del sole" (la grande force de l'Égypte est due à l'eau du Nil et aux rayons du soleil). Puis l'auteur de poursuivre avec un étonnant enthousiasme : "E così pensavo all'immenso blocco di granito che, une volta posto sulla slitta sul piano inclinato alla base esterna della piramide, saliva su, piano piano, verso il cuore della piramide stessa e all'interno di essa, grazie all'energia del sole, alla forza dell'acqua e a quegli stranissimi corti pezzi di legno."(Je pensais ainsi à l'immense bloc de granite qui, une fois posé sur le traîneau sur le plan incliné à la base extérieure de la pyramide, montait peu à peu vers le cœur de la pyramide, à l'intérieur, grâce à l'énergie du soleil, à la force de l'eau et à ces très étranges courts morceaux de bois).
Explication : le bois est un matériau poreux qui, une fois qu'il a absorbé de l'eau par capillarité, gonfle, non pas en longueur, mais en épaisseur, "dans le sens perpendiculaire aux fibres". Pour un bois de sapin d'un mètre de longueur, par exemple, la variation est d'environ 25 millimètres. À l'inverse, lorsque le bois humidifié est soumis à l'action des rayons du soleil (si généreux en Égypte !), l'eau s'évapore et le bois retrouve ses dimensions d'origine. CQFD !
Poursuite de la démonstration : quand vous posez plusieurs, voire de nombreux morceaux de bois côte à côte subissant le même traitement, les effets s'additionnent. En mettant ainsi en place une cinquantaine de morceaux de bois, les fibres étant dans le sens transversal, la longue file s'allongera de plus d'un mètre.

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Appliquée à la Grande Pyramide, cette technique devient pour Mario Pincherle éminemment probante. Telle sera, selon lui, la configuration du système, appelée à évoluer progressivement au fur et à mesure de l'application de la technique :

1° - des morceaux de bois sont installés, dans le sens transversal, tout le long du couloir ascendant : ces morceaux seront, le moment venu, baignés dans l'eau acheminée par un canal supérieur provenant du Nil ;
2° - d'autres morceaux de bois sec sont également installés tout le long de la Grande Galerie, celle-ci étant équipée de banquettes latérales qui serviront de glissière pour le traîneau sur lequel sera posé le bloc à hisser jusqu'au niveau de la chambre du Roi ;
3° - la partie inférieure du traîneau vient en butée contre la partie supérieure du train de morceaux de bois du couloir ascendant ;
4° - un bloc de granite est transporté, par un couloir horizontal reliant l'extérieur de la pyramide à la jonction couloir ascendant/Grande Galerie, puis installé sur le traîneau ;
5° - les vannes du canal de surface sont ouvertes et l'eau du Nil vient (par un système de siphon ?) inonder la partie inférieure du système : les morceaux de bois sont gorgés d'eau ; leur volume augmente dans le sens de l'épaisseur ; le train de morceaux de bois s'allonge et fait progresser d'autant le traîneau chargé vers le haut de la Grande Galerie ; ce traîneau se déplace de manière infinitésimale si l'on prend en compte chaque morceau de bois pris séparément, mais de manière très sensible si l'on englobe la totalité des morceaux de bois ;
6° - au terme de cette première progression, l'ensemble traîneau/bloc est immobilisé à l'aide d'un madrier reposant sur les encoches creusées dans les flancs de la Grande Galerie et l'eau, de la partie basse du système, est évacuée vers un canal inférieur (celui auquel fait allusion Hérodote) ;
7° - les morceaux de bois humidifiés de la partie basse du système (l' "immense piston") sont enlevés et transportés hors de la pyramide pour être soumis à l'action "asséchante" des rayons du soleil ; ils sont remplacés par des morceaux bien secs qui formeront un nouveau train, plus long que le précédent pour combler l'espace laissé libre par la progression du traîneau ;
8° - admission de l'eau du canal supérieur dans la partie basse du système, etc.

De nombreuses inconnues restent néanmoins en suspens, pour autant qu'elles aient été prises en considération par l'auteur de la théorie. Il n'est ici question que du transport des monolithes tout le long de la Grande Galerie. Mais avant ? Quel fut le mode de transport ? Comment les monolithes ont-ils été hissés tout d'abord jusqu'au couloir horizontal, puis, au terme de l'opération, installés sur la Chambre du Roi et au-delà ? Quelles sont les références permettant d'avancer l'hypothèse d'un canal de surface ? Pour le reste de la pyramide, quelle technique fut appliquée ?
Bref, nonobstant les belles certitudes de l'auteur, on est en droit, pour le moins, de rester dubitatif sur l'efficacité et la "faisabilité" du système ardemment défendu par Mario Pincherle. Mais ceci est un autre problème qui n'est pas du ressort de ce blog...

Liens :
- résumé en anglais de la théorie de Pincherle
- site consacré à Mario Pincherle

Illustrations aimablement transmises par le webmaster du site www.mariopincherle.it/

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