mercredi 24 mars 2010

Pyramides égyptiennes : la relation du géographe arabe Ibn Hawqal (Xe s.)

Muhammad Abû-l-Qâsim Ibn Hawqal est un voyageur et géographe arabe du Xe siècle. On ne sait rien de sa vie.
En 977, il publia son célèbre ouvrage Kitâb Sûrat-al-Ard (Le Livre de la Représentation de la Terre), dont sont extraites les citations ci-dessous.
Les textes sont à prendre avec quelque circonspection dans la mesure où la version à notre disposition est une "traduction-de-traduction", le Britannique Sir William Ouseley (1769-1842) n'ayant eu accès qu'à une traduction en persan du texte original (en arabe) d'Ibn Hawqal. D'où les précautions d'usage rappelées par Antoine-Isaac Silvestre de Sacy (1758-1838), lui-même correcteur de la traduction d'Ouseley dans son ouvrage Notice de la Géographie orientale d'Ebn Hawkal, traduit du persan en anglais et publié par Sir William Ouseley (1802) qui m'a servi ici de référence.
En dépit d'un tel enchevêtrement, les notations d'Ibn Hawqal font partie de la grande Histoire des pyramides. C'est à ce titre que je leur ai fait place dans cet inventaire, laissant aux historiens patentés le soin de nous éclairer sur leur crédibilité.

Carte du monde selon Ibn Hawqal
"Dans ce pays sont les deux pyramides : il n'y a rien sur la terre, dans les contrées musulmanes ni dans les pays infidèles, qu'on puisse leur comparer ; jamais on n'a rien fait et on ne fera jamais rien de semblable. Un des princes de la maison d'Abbas ayant lu sur une de ces pyramides cette inscription "J'ai bâti ces édifices ; si quelque roi croit pouvoir se glorifier d'une grande puissance, qu'il les détruise : détruire est plus aisé qu'édifier", songea aux moyens de faire cela (je pense que ce prince était Motasem ou Mamoun) ; et il reconnut que le produit des impôts de l'Égypte ne suffirait pas à cette dépense. À cette époque, les impôts de ce pays, quoique établis et perçus avec la plus exacte équité, et sans être le moins du monde à charge aux contribuables , produisaient 4.257.000 pièces d'or, quand la crue du Nil atteignait 17 coudées 10 doigts, et chaque faddan (1) payait deux pièces d'or.

Ce prince renonça donc à son projet, et n'y songea plus. Dans le voisinage de Fostât, au couchant du Nil, il y a un nombre considérable de grands édifices, répandus dans tout le Saïd, qu'on nomme pyramides ; mais celles-ci ne ressemblent point aux deux qui sont en face de Fostât et à deux parasanges (2) de celte ville. Chacune de ces deux a 400 coudées de hauteur, et une largeur égale ; elles sont bâties en pierres de caddhan (3) : la longueur, la largeur et l'épaisseur de chaque pierre est de 8 à 10 coudées, plus ou moins, suivant que la construction et les règles de la géométrie l'ont exigé ; car, à mesure que ces pyramides s'élèvent, elles vont en se rétrécissant, en sorte que dans leur partie supérieure, elles n'offrent plus qu'une superficie suffisante pour placer un chameau agenouillé. Les parois extérieures sont couvertes d'écriture grecque.
Quelques gens ont dit que ce sont deux tombeaux, mais cela est faux : ce qui a donné lieu à ceux qui les ont construits de le faire, c'est qu'ils avaient prévu que le déluge arriverait, et qu'il ferait périr tout ce qui se trouverait sur la surface de la terre, à l'exception de ce qui serait mis en sûreté dans de pareils bâtiments. Ils renfermèrent donc dans ces pyramides leurs trésors et leurs richesses. Ensuite arriva le déluge. Quand les eaux furent desséchées, tout ce qui était dans les deux pyramides passa à Bansar, fils de Misraïm, fils de Cham, fils de Noé. Quelques rois, des siècles plus récents, en firent leurs greniers. Au reste, Dieu seul est parfaitement savant."
(1) lire feddan, unité de surface, proche de l'acre, toujours utilisée dans l'Égypte contemporaine
(2) une ancienne unité de distance perse correspondant à environ 5,6 km
(3) pierre tendre

Commentaire de Silvestre de Sacy sur le texte précédent : "J'observe, en passant, sur ce texte d'Ebn-Haukal, que, suivant toute apparence, on n'avait point encore découvert, à l'époque où il écrivait, la chambre intérieure de la grande pyramide, dans laquelle se trouve le sarcophage. Autrement, il n'aurait pas, je pense, assuré aussi positivement que ces pyramides n'avaient jamais été destinées à servir de tombeaux ; ce qui est d'autant plus vraisemblable, qu'il rapporte ailleurs [voir second texte ci-dessous], sans doute d'après une tradition des gens du pays, que dans ces deux grandes pyramides il y a une excavation qu'on suppose avoir été destinée à la sépulture des anciens rois d'Égypte. Ce témoignage, postérieur de quatre-vingts ans à celui de Denys de Telmahr, patriarche d'Antioche (...), semble fixer cette découverte à une époque plus récente que le commencement du IVe siècle de l'hégire."

deux parasanges de Fostat, il y a certains édifices qu'on nomme Ahwam (Ahram) : deux de ces édifices sont des bâtiments très élevés : on les nomme Houman (Haramani). Chacun de ces deux-ci a 400 coudées de haut. Sur leurs parois sont des inscriptions en langue grecque, qui signifient, dit-on, Houman et Sertaïer ont été bâtis dans le signe du cancer .(1) Ces édifices sont quadrangulaires, et leur largeur diminuant à mesure qu'ils s'élèvent, leur sommet n'offre que la surface que peut occuper un chameau. Il y a dans ces pyramides des passages par lesquels on ne peut pénétrer que difficilement. Dans Houman (les deux grandes pyramides), il y a une excavation souterraine, supposée avec beaucoup de vraisemblance avoir dû servir à la sépulture des anciens souverains de ce pays."

(1) "Il fallait lire, précise Silvestre de Sacy Nesr taïr ou l'Aigle volant, nom d'une constellation, et traduire : les deux pyramides ont été construites, lorsque la constellation de l'Aigle volant se trouvait dans le signe du cancer."


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