dimanche 20 juin 2010

"C'est à l'orgueil des rois d'Égypte, et à l'importance qu'ils ont mise à habiter après leur mort une demeure impénétrable, que l'on doit la construction de ces monuments extraordinaires" (chevalier de Propiac - XIXe s. - à propos des pyramides)

M. le chevalier Catherine Joseph Ferdinand Girard de Propiac (1759-1823) était membre correspondant de l'Académie de Dijon. Comme traducteur, historien et romancier, il fut un auteur très fécond, notamment de livres d'histoire destinés à la jeunesse.
Le texte ci-dessous est extrait de son ouvrage Les Merveilles du monde, ou les plus beaux ouvrages de la nature et des hommes, répandus sur toute la surface de la terre, ouvrage destiné à l'instruction et à l'amusement des jeunes personnes de l'un et de l'autre sexe, tome 1, 1832.
Il semble que ce récit de l'auteur ne soit pas le fruit d'une observation personnelle. Il s'agit plutôt d'une œuvre de compilation, à partir de sources non mentionnées, avec le risque des imprécisions auxquelles s'expose tout vulgarisateur n'étant ni égyptologue, ni a fortiori pyramidologue.

"C'est vainement que l'on chercherait à combattre l'opinion générale, qui tend à ne reconnaître que des tombeaux dans ces monuments, aussi célèbres par leurs énormes dimensions que par leur antiquité reculée. Toutes les circonstances le constatent, et le nom même de pyramide qu'ils portent donne mot à mot, selon l'analyse conforme à tous les principes de la science, chambre ou caveau de la mort.


Les onze pyramides grandes et petites que l'on découvre du haut de Djizé, et les trente à quarante moindres qui offrent des ébauches de la même figure pyramidale, situées dans un lieu stérile, et près du cimetière de l'ancienne ville de Memphis, nommé la Plaine-des- Momies, confirment cette assertion de la manière la plus victorieuse. Ajoutez à ces preuves celle encore plus convaincante de la découverte d'un sarcophage ayant les dimensions naturelles, et qui se trouve dans la chambre sépulcrale de la grande pyramide, chambre si obscure et si étroite qu'elle n'a jamais pu servir qu'à loger un cadavre, et l'on restera irrévocablement convaincu que c'est à l'orgueil des rois d'Égypte, et à l'importance qu'ils ont mise à habiter après leur mort une demeure impénétrable, que l'on doit la construction de ces monuments extraordinaires.
Toutes les recherches qui ont été faites pour découvrir l'époque de la construction de la plupart des pyramides ont été infructueuses. Il n'y a que celle de la grande qui est assez évidente pour ne laisser aucun doute. On l'attribue à Chéops, roi d'Égypte, qui la fit bâtir vers les années 140 et 160 de la fondation du temple de Salomon, c'est-à-dire 860 ans avant Jésus-Christ. Le tiers de l'Égypte fut, dit-on, employé par corvées à tailler, à transporter et à élever les pierres qui composent ces monuments, et qui, selon toute apparence, ont été tirées du rocher même où ils sont assis.
Grâce à leur solidité et à l'énormité de leurs masses, la main du temps et celle des hommes n'ont rien pu contre eux. L'enthousiasme qu'ils inspirent est partagé par tous les voyageurs. On les découvre de dix lieues. Plus on en approche, et plus leurs formes anguleuses et inclinées les abaissent et les dissimulent à l'œil. À la distance d'une lieue, ils dominent déjà tellement sur la tête qu'on croit être à leur pied. Mais quand on y touche, de combien de sentiments divers ne se sent-on pas agité ! C'est de l'étonnement, de la terreur, de l'admiration, du respect. On est tellement frappé de la hauteur de leur sommet, de la rapidité de leur pente, de l'ampleur de leur surface, et du poids de leur assiette, qu'on ne peut pas concevoir qu'ils soient l'ouvrage de l'être si petit et si faible qui rampe à leur pied.
C'est après avoir dépassé un monticule de décombres et de sables, qui doivent être les restes de la fouille qui a été faite à la grande pyramide, que l'on arrive à son ouverture, trouvée à peu près à soixante pieds de sa base, et que marquait le revêtissement général qui servait de troisième et de dernière clôture au réduit silencieux que recelait ce monument. C'est là que commence la première galerie, qui se dirige vers le centre et la base de l'édifice. Ce premier passage, obstrué par les décombres et par le sable que le vent du nord y engouffre tous les jours, est très incommode à traverser. À son extrémité, on rencontre deux blocs énormes de granit qui formaient la seconde cloison de cette mystérieuse retraite. Il paraît que ces blocs ont été un obstacle pour ceux qui ont commencé la fouille de cette pyramide ; car on voit que, depuis là, leurs opérations ont été incertaines, et que ce n'est qu'après avoir entamé dans le massif de la construction, et y avoir fait une percée infructueuse, qu'ils sont revenus sur leurs pas, pour tourner autour des deux rocs et les surmonter. Cependant le fruit de leurs travaux a été la découverte d'une seconde galerie ascendante, dont la raideur est telle qu'il a fallu faire des tailles sur le roc pour en rendre la montée possible.
Arrivé au haut de cette rampe, on trouve un palier d'environ quinze pieds carrés, à la droite duquel est une ouverture appelée le puits, qui a deux pieds sur dix-huit pouces de diamètre. L'irrégularité de son orifice peut faire croire qu'il est encore une tentative de fouille. Sa profondeur n'est pas connue. Quant à sa direction, il est facile de juger, par le bruit qu'y fait la chute d'une pierre, qu'elle n'est pas perpendiculaire.



À droite de ce trou est une troisième galerie horizontale de cent soixante et dix pieds, qui se dirige au centre de l'édifice, et au bout de laquelle est l'entrée d'une chambre qui porte le nom de Chambre de la Reine. C'est un carré long de dix-huit pieds deux pouces sur quinze pieds huit pouces. L'avide curiosité qui a fait mettre le sol sens dessus dessous, et creuser une des parties latérales, empêche d'en déterminer la hauteur. On remarque seulement que la partie supérieure a la forme d'un angle à peu près équilatéral. On ne voit dans cette chambre ni hiéroglyphes, ni sarcophages : son seul ornement est une pierre calcaire fine, liée avec un appareil recherché. En la voyant, tout le monde se demande à quoi elle était destinée. Si c'était pour mettre un corps, il est évident que la pyramide, qui a été bâtie à dessein d'en mettre deux, n'a pas été fermée à une seule époque, et que ces deux blocs de granit dont nous avons déjà parlé, et qui sont à l'entrée des deux galeries inclinées, étaient réservés à clore définitivement l'ouverture des deux chambres et des deux galeries adjacentes. Lorsqu'on est revenu sur ses pas jusqu'à la plate-forme du puits, on se hisse de quelques pieds, et l'on se trouve au bas d'une grande et magnifique galerie de cent quatre-vingts pieds de longueur. Cette galerie, dont la largeur est de six pieds six pouces, en y comprenant deux parapets de dix-neuf pouces de diamètre, percés, par espace de trois pieds six pouces, de trous longs de vingt-deux et larges de trois, se dirige aussi vers le centre de l'édifice. Il est probable que cette rampe était destinée à monter le sarcophage, et que les trous servaient à assurer quelque machine indispensable pour mettre cette opération à fin. Huit retraites de six pieds de hauteur chacune ferment insensiblement cette galerie ; de façon que, comme il y a douze pieds du sol jusqu'à la première plate-bande, il s'ensuit que la clef de la voûte en a soixante.
Arrivé au-dessus de cette galerie, on trouve, en s'aidant d'entailles assez régulières, mais que tout démontre être modernes, une petite plate-forme, et ensuite une espèce de coffre de granit, dont les parties latérales, soutenues par la masse générale de l'édifice, étaient, selon toute apparence, destinées à recevoir, dans le vide qu'elles laissaient, des blocs de même matière, qui, enchâssés dans des rainures saillantes et rentrantes, devaient masquer et défendre à jamais la porte de la principale sépulture. Les travaux qu'ont nécessités la construction et la destruction de cette partie de l'édifice, ont dû être immenses. Mais, si la superstition a donné du zèle pour édifier, l'avarice n'en a pas moins mis à briser tout ce qu'elle a pu. C'est ainsi qu'après avoir démoli et abattu treize pieds d'épaisseur de granit, elle est parvenue à découvrir une porte carrée de trois pieds trois pouces, qui est l'entrée de la pièce principale. Cette pièce, de forme carrée, est longue de seize pieds, large de trente, et haute de dix-huit ; la porte est, comme celle de la chambre d'en bas, placée à l'angle du grand côté, à droite en entrant ; et vers le fond on voit un sarcophage isolé, de six pieds onze pouces de long, sur trois pieds de large , et trois pieds un pouce six lignes d'élévation. Ce tombeau, qui est ouvert et vide, sans qu'il soit resté le moindre vestige de son couvercle, est d'un seul morceau de granit ; et la chambre, qui est de la même matière, et dont le demi-poli n'a point exigé de ciment, n'est elle-même qu'un grand coffre où le sarcophage se trouve renfermé.
La pyramide que nous venons de décrire a sept cent vingt-huit pieds de base et quatre cent quarante-huit de hauteur, en comptant la base par la moyenne proportionnelle de la longueur des pierres, et la hauteur par l'addition de la mesure de chacune des diverses assises.
Un savant, M. Salt, qui, accompagné d'un officier anglais, a visité récemment cet étonnant édifice, assure qu'il a découvert que le passage par lequel on descend à son ouverture, et qui conduit ensuite, par des galeries ascendantes, à la chambre de la Reine, et à celle du sarcophage, continue, par une ligne droite, en dedans de la pyramide, à travers le roc sur lequel elle fut posée. Le nouveau passage, auquel il donne le nom de Puits, est terminé par un creux de dix pieds de profondeur, qui se trouve précisément sous le sommet de la pyramide, à cent pieds de sa base. Le compagnon de M. Salt prétend aussi avoir trouvé une troisième chambre au-dessus de celle où est le sarcophage, et à laquelle elle ressemble, soit pour la forme, soit pour le travail, mais dont la hauteur n'est que de quatre pieds.
Parmi les pyramides qui subsistent encore en Égypte, on remarque celles de Ssakkarah, de Chephreness, d'Hilaoun et de Médoun. La première, qui offre les mêmes détails intérieurs que celle de Chéops, a une forme irrégulière, c'est à-dire que la ligue de son arête a la courbure d'une console renversée. Celle de Chephreness doit avoir été le tombeau du prince de ce nom, qui succéda à Chéops. Quant à celle d'Hilaoun, vue de Faïoum, elle ressemble à une forteresse. Hérodote et Diodore ont prétendu que c'était la pyramide de Meudes, et que le canal de Balhen, qui y aboutit, était le fameux Mœris, creusé de mains d'hommes. Elle est la plus délabrée de toutes celles qui sont encore sur pied ; mais on en voit cependant encore assez pour s'assurer qu'elle a été construite avec peu de magnificence. La pyramide de Médoun était composée de cinq gradins en retraite : le premier est le plus dégradé ; le second présente, du côté du nord, des traces de fouilles. La ruine absolue commence au troisième : il n'en reste à peu près que le tiers. La hauteur totale de l'édifice a dû être d'environ deux cents pieds.
Une observation qui a été faite par tous ceux qui ont voyagé en Égypte, c'est que toutes les pyramides, vues à une grande distance, paraissaient diaphanes, d'un ton bleuâtre de ciel, et que l'œil trompé ne s'aperçoit pas que le fini et la pureté de leurs angles ont été dévorés par les siècles."

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