mercredi 29 décembre 2010

Au coeur de l’histoire architecturale des pyramides : un numéro spécial de la revue "Pharaon"

À consulter la presse française, on constate que cette fin d’année 2010 est placée sous le signe des pyramides d’Égypte, à commencer par la plus grande, la plus “énigmatique”, la plus “mystérieuse” d’entre elles : celle de Khéops.  
Après un hors série publié sur ce sujet par Sciences et Avenir (voir la note de ce blog), puis un numéro double du Point, avec dossier spécial Égypte (voir ICI), c’est au tour de la revue Pharaon de proposer un hors série sous le titre “Au temps des pyramides”.
Autant dire, pour suivre les indications de lecture de François Tonic, rédacteur en chef de la publication, qu’une nouvelle dose de... mystères ou/et énigmes nous attend, avec bien sûr des pistes de réflexion, des hypothèses émises par des chercheurs, des reconstitutions solidement argumentées, le panel des opinions ou théories développées permettant au lecteur de mieux éclairer et alimenter sa propre “interprétation” du site de Guizeh.
Après un rappel de l’évolution de l’architecture pyramidale mise en oeuvre par les Égyptiens, la revue ne peut donc éviter de nous acheminer vers “les mystères des pyramides” (1), à savoir : la configuration et la fonction des conduits de la chambre de la Reine, le conduit fantôme de la pyramide de Meïdoum, la pyramide perdue d’Ouserkarê, etc.
Sur fond de chronologie de l’Ancien Empire, nous assistons ensuite “en direct”, avec quand même un écart de quelque 5.300 années, à la “naissance des pyramides égyptiennes”, justifiée par “une évolution complexe des pratiques funéraires” dans l’ancienne Égypte et par une “manière d’appréhender la vie après la mort”.
La construction de la pyramide lisse représente un “sommet” de l’architecture pyramidale, “l’apogée d’un savoir-faire, fruit de l’expérience, basé sur la logique et la simplicité” : ce dossier, illustré par l’exemple de la pyramide de Khéops, a été confié par François Tonic à la plume experte de Jean-Pierre Houdin. (2) D’un point de vue technique, l‘architecte reprend les éléments majeurs de sa reconstitution du chantier de construction de la pyramide tel qu’il fut, selon son analyse, mis en oeuvre par les “sapeurs-maçons” du pharaon : rampe extérieure jusqu’au premier tiers de la hauteur totale de la pyramide, mise en place des blocs de façade en premier, utilisation de la Grande Galerie pour le fonctionnement du système de contrepoids nécessaire à l’élévation des monolithes de la chambre du Roi, recours à une rampe interne pour les deux derniers tiers de la hauteur du monument... Au terme de cet exposé, la pyramide de Khéops apparaît dans toute sa prestigieuse configuration, comme le “reflet de l’apogée d’une civilisation”.
Deux autres articles complètent notre périple au coeur de l’histoire architecturale des pyramides.
Le premier, de Fernand Schwarz, nous remémore la finalité symbolique et religieuse de la pyramide, “image du cosmos, lieu de transmutation de l’âme”. L’architecture du monument, dans la logique spirituelle des anciens Égyptiens, est dotée d’une “géographie sacrée” (des réalités terrestres aux principes célestes), dans laquelle (revoici le “mystère”, auquel il est logique de donner ici une acception spécifiquement religieuse, donc justifiée) la chambre funéraire est le lieu d’une “régénération”.
Dans le second et dernier article que nous citerons ici, Franck Monnier développe un aspect essentiel du pourquoi et du comment des pyramides : la “protection des sépultures royales”. Sous le regard et selon l’analyse de l’auteur, les histoires rocambolesques et autres mythes qu’ont pu inspirer les dédales des entrailles des pyramides ont du souci à se faire. Place à la “réalité” ! Le mot est lâché. C’est le seul qui compte. Il recouvre des éléments structurels bien précis : les blocs bouchons et les herses, destinés à contrarier les intentions des pilleurs de sépultures. Mais comme dans notre chère Égypte d’antan, rien n’est tout à fait simple du fait des zones d’ombre (non, non ! je n’ai pas dit “mystère”) qui restent à élucider, les raconteurs de belles histoires aux multiples embûches se s’avoueront sûrement pas battus pour autant. D’où, sur un ton réaliste et un tantinet pessimiste, ce constat de l’auteur :”Si la malédiction des Pharaons est l’apanage des férus d’ésotérisme et de paranormal, les chambres et mécanismes secrets [des pyramides] font encore les choux gras d’une presse certes à sensation, mais aussi quelquefois scientifique. Certains architectes et/ou égyptologues aiment à croire que des pièces demeurent “secrètes”, et pensent que la chambre funéraire de la grande pyramide reste à être localisée.

(1) Un point de vue personnel, qui fera peut-être grincer des dents, mais que m’inspire ma     fréquentation, depuis maintenant deux années complètes, d’une foultitude d’auteurs ayant émis les points de vue les plus divers et contrastés sur la construction des pyramides : il serait temps, me semble-t-il, de laisser aux oubliettes les mots “mystère” et “énigme” dès lors qu’il s’agit de pyramides.
Bien entendu, et comment l’oublier, notre connaissance des pyramides est encore très imparfaite. Mais une explication, que l’on pourrait qualifier de rationnelle ou scientifique (dans la mesure où l’architecture et l’archéologie sont des sciences), existe, doit exister, ou ne demande qu’à se révéler au grand jour. On la perçoit, on l’appréhende par bribes, mais elle n’est pas du ressort plus ou moins fumeux de je ne sais quel ésotérisme. Notre besoin de comprendre reste sur sa faim ; nos investigations sont encore souvent orphelines ; la mémoire en chaîne de nos historiens, depuis la plus haute antiquité jusqu’à aujourd’hui, comporte des lacunes regrettables. Mais le pourquoi et le comment des pyramides égyptiennes sont du domaine du réel historique et tangible, que seule notre myopie nous empêche de capter dans sa pleine expression.
Dans notre lecture des pyramides, il y a assurément un fossé peu confortable, voire très désagréable, entre la réalité historique et notre appréhension de celle-ci, entre ce que nous voyons ou croyons voir et ce que nous comprenons. Mais il ne sert de rien, de mon point de vue, de tenter de combler ce fossé, ne serait-ce que momentanément, en ayant recours à l’irrationnel, même purement verbal.
(2) Concernant la présentation qui est faite de cet auteur dans l’édito de la revue, je lis :”Jean-Pierre Houdin, auteur de la théorie de la rampe intérieure dans la pyramide de Chéops, expliquera ses travaux et pourquoi la construction de l’intérieur, et non depuis l’extérieur, serait la clé de l’énigme.
Que l’auteur de cette présentation n’en prenne pas ombrage, mais son texte appelle, à mon sens, deux précisions. Tout d’abord, Jean-Pierre Houdin exclut scrupuleusement de ses propos le mot “théorie”, pour le remplacer par “reconstitution du chantier de construction” de la pyramide. Quant à cette reconstitution, l’auteur la conçoit, certes, en ayant recours, mais seulement dans un deuxième temps, à la rampe interne : celle-ci vient en complément d’une rampe droite externe qui est utilisée pour le premier tiers de la hauteur de la pyramide, soit les deux tiers de son volume.

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