mercredi 22 décembre 2010

Les pyramides d’Égypte : “de purs monuments de l'orgueil qui ont manqué leur effet” (Justin-Pascal Angelin - XIXe s.)

Justin-Pascal Angelin fut le chirurgien-major de l’expédition qui, à bord d’un navire, transporta le “petit” obélisque de Louxor jusqu’en France. L’opération commença le 15 avril 1831 et prit fin le 25 octobre 1836, avec l’érection du célèbre monolithe sur la place de la Concorde, à Paris. Le bateau fut bien entendu baptisé Louxor (Luxor).
De passage au Caire, il fit une courte escale. Pendant que la population locale donnait libre cours à sa curiosité pour cette embarcation peu ordinaire, car spécialement construite pour l’opération,  l’équipage mettait à profit un peu de temps libre pour aller découvrir les pyramides de Guizeh.
J’ai retenu le récit que fit de cette escapade Justin-Pascal Angelin, dans l’ouvrage Expédition du Louxor ou Relation de la campagne faite dans la thébaïde pour en rapporter l’obélisque occidental de Thèbes, 1833.
On remarquera l’admiration retenue de l’auteur : les pyramides, c’est bien ! mais il y a mieux en Égypte...



 
Le Luxor, dessin de Léon-Daniel de Joannis
“Avant d'arriver au Caire, et à quatre lieues de cette ville, on aperçoit les fameuses pyramides d'Égypte, que nous nous proposâmes de visiter.
Ces monuments, devant lesquels nos drapeaux victorieux se sont inclinés il y a quarante ans , remuèrent délicieusement notre amour-propre national. (...)
Le 14, à quatre heures du soir, quatre personnes de l'état-major et moi partîmes de Boulak pour aller visiter les pyramides de Gizé, distantes du Nil de trois lieues. Après trois heures d'une marche pénible sur un terrain crevassé, nous arrivâmes au pied de la plus grande. Il était sept heures, et le soleil couchant colorait encore la plaine d'une teinte rougeâtre ; les ombres de ces monuments se projetaient au loin, et tout dans ce moment semblait se réunir pour apprendre à l'homme sa faiblesse et son néant : l'orgueil des Pharaons était tombé dans la poussière ; les traces du géant qui naguère vainquit l'Égypte étaient effacées ; ces paroles sublimes : « Du haut de ces pyramides, quarante siècles nous contemplent ! » n'avaient plus d'écho pour les répéter. Ces lieux, ces pyramides et cette époque du jour avaient leur éloquence, mais pour nous apprendre qu'ici-bas tout est vanité. (...)
La première pyramide, en partant du nord, est la plus élevée ; elle porte le nom de Chéops ; sa hauteur perpendiculaire est d'environ six cents pieds ; chaque face a également six cents pieds de largeur à sa base. Vers sa sommité, elle est taillée en degrés, et bien qu'elle paraisse finir en pointe, elle est couronnée par une plate-forme de cent vingt pieds de circonférence ; chaque face de la première pyramide est formée de deux cent sept pierres tendres qui ont, terme moyen, deux pieds neuf pouces de hauteur et trois pieds dix pouces de largeur. Il nous fallut deux heures pour la visiter, tant extérieurement qu'intérieurement. L'extérieur n'a guère de curieux que l'effet de sa masse ; mais l'intérieur, qui est en granit rouge, mérite plus d'éloges. Il est impossible d'y pénétrer sans lumière, et en outre la montée en est si rapide qu'il est indispensable de se faire conduire par des Arabes, qu'on trouve toujours à cet effet sur les lieux.
Deux rotondes, un puits très profond et un sarcophage dégradé sont les objets qui, durant notre visite, fixèrent surtout notre attention.
On trouve encore à Gizé trois autres pyramides, qui sont distantes de trois cents pas l'une de l'autre et de la première. La seconde est presque égale à celle-ci pour la hauteur ; mais les deux autres sont d'une dimension beaucoup plus petite. Dans toutes, les quatre faces répondent exactement aux quatre points cardinaux. Vers la partie est des deux pyramides les plus méridionales, on trouve une tête de sphinx d'une grosseur gigantesque ; elle n'est pas sans effet, mais il est à regretter qu'elle soit mutilée. Plusieurs autres pyramides sont dispersées dans ces plaines ; elles sont toujours construites sur le même plan, et n'en diffèrent que par les proportions.
Quant à leur usage, ces pyramides paraissent avoir été destinées à servir de sépulture aux rois d'Égypte et à perpétuer leur mémoire. Dans ce sens, ce sont de purs monuments de l'orgueil qui ont manqué leur effet : les noms des rois sont oubliés, les tombeaux seuls vivent encore.
En somme, et pour résumer notre avis sur ces colosses d'architecture, malgré les pompeux éloges des anciens, répétés complaisamment par les modernes, bien que les premiers les aient fastueusement comptés parmi les sept merveilles du monde, j'oserai dire que tant du côté de la difficulté vaincue que du côté de l'effet, amoindris l'un et l'autre par l'extension des bases, ils doivent le céder à nombre de monuments des siècles postérieurs.”

2 commentaires:

Numérus a dit…

Bonjour Marc,

Enfin on va pouvoir laisser des commentaires...

A moins que mon navigateur eut été mal configuré, par le passé malgré différentes tentations, échec et mat!

Merci d'avoir rendu cette possibilité "techniquement" simple.

Bonnes fêtes de fin d'année à toi et à tes lecteurs.

Numérus.

Marc Chartier a dit…

Merci Michel pour tes encouragements et tes vœux.
Je t'adresse également les miens les plus cordiaux pour toi-même et les personnes qui te sont proches.
Bien amicalement
Marc