mardi 8 février 2011

La profanation de la sépulture de Khéops et l’incendie de la Bibliothèque d’Alexandrie furent, selon Céline Renooz (XIXe-XXe s.), inspirés par une même entreprise destructrice

L’histoire retient surtout de l’écrivaine Céline Renooz (1840-1928), d’origine belge, sa croisade politico-littéraire pour la défense de la supériorité naturelle et morale de la femme sur l’homme. Vaste débat ! Qui, cela va de soi, n’a pas sa place ici.

Dans son ouvrage L'ère de vérité : histoire de la pensée humaine et de l'évolution morale de l'humanité à travers les âges et chez tous les peuples. Tome 2 : le monde ancien, 1924, elle consacre un court développement à la Bibliothèque d’Alexandrie et aux différents incendies ayant détruit ce célèbre monument et son inestimable contenu.

Le récit englobe, dans la même intention criminelle, la violation des tombeaux des “personnages historiques”, dont celui, qui pourtant avait fait l’objet de “mille précautions”, du roi Khéops. L’auteure (toujours le “e” !) précise qu’outre les momies des défunts, les sépultures renfermaient des papyrus, également disparus.

Est-ce à dire que les profanateurs auraient ainsi soustrait à la mémoire de l’humanité de précieuses informations, non seulement sur Khéops, mais aussi sur l’histoire du monument construit pour abriter sa royale dépouille ?
Bibliothèque d'Alexandrie (Wikimedia commons)

“C'est dans la ville d'Alexandrie que le premier des Ptolémées avait établi, dans un bâtiment situé près de son palais, la fameuse bibliothèque, tant célèbre. Elle arriva à contenir deux cent mille livres ou rouleaux. Et ce nombre fut augmenté encore, grâce surtout au septième Ptolémée qui faisait saisir et copier tous les livres apportés en Égypte, puis donnait les copies aux propriétaires et gardait les originaux.
On dut créer une seconde bibliothèque, tant le nombre de livres augmenta. Elle fut établie dans le temple de Sérapis (Sérapéum).
Lors de la prise d'Alexandrie par César, la première bibliothèque fut incendiée. Mais la seconde bibliothèque, celle du Sérapéum, échappa à la destruction ; elle fut même augmentée de deux cent mille ouvrages provenant de la bibliothèque des rois de Pergame, donnée par Antoine à la reine Cléopâtre, au grand chagrin des Romains lettrés. Sous Théodose, cette importante collection fut détruite (en 389) par les sicaires de l'imbécile patriarche Théophile. Elle contenait toute la littérature de la Grèce, de l'Inde, de l'Égypte, de Rome (1).
On ne se contenta pas de brûler les bibliothèques pour faire disparaître les traces du vieux monde ; on viola les tombeaux pour en extraire les papyrus qu'ils contenaient. Et non seulement on enleva les papyrus, mais on fit disparaître aussi les corps, restes gênants pour ceux qui avaient changé le sexe des personnages historiques. Mais la profanation des tombes avait été prévue. Le soin que l'on prenait de les soustraire aux recherches le prouve. Ainsi le tombeau de Chéops, trouvé dans les profondeurs de la pyramide qui porte son nom, était masqué par la surface uniforme du revêtement de granit, de manière à dérouter les profanateurs.
Celui qu'on nous donne comme étant le pharaon Khoufou, de la IVe dynastie (dit-on), et qu'on fait vivre environ quatre mille ans avant notre ère, fut extrait de son sarcophage, trouvé vide. À la place du corps on ne trouva qu'un peu de terre. On avait cependant pris mille précautions pour le soustraire aux profanateurs : la haute chambre funéraire du sarcophage était barrée par une plaque et quatre herses de granit qui en défendaient le vestibule. Nitocris, selon Manéthon, construisit la 3e pyramide, celle qui est appelée Mycérinus. Révillout (*) qui le mentionne, renvoie à Hérodote pour les détails qui s'y rapportent.”

(1) La destruction a continué pendant tout le Moyen Âge, et Omar, le plus fougueux et le plus ignorant des disciples de Mahomet, fit brûler pour la troisième fois ce qui restait de la fameuse Bibliothèque d'Alexandrie. Au temps de Louis XIV, le moine franciscain Vansleeb, avec le secours de quelques moines coptes, brûla un colombier plein de papyrus.

(*) Eugène Revillout (1843-1913) est un égyptologue français.

Source : Gallica