jeudi 15 novembre 2012

Les pyramides “sont I'enveloppe extérieure et à jamais impénétrable d'une momie” (Paul Pierret - XIXe s.)

Que peut-on apprendre d’un dictionnaire, sinon des informations passe-partout, faisant peu de place aux théories innovatrices ou encore en gestation ?
C’est bien en tout cas la tonalité dominante du Dictionnaire d'archéologie égyptienne, édité en 1875, de l’archéologue et égyptologue français Paul Pierret (1836-1916).
Dans son article consacré aux pyramides égyptiennes, le rédacteur ne prend aucun risque. Ses fonctions de conservateur du département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre et de premier titulaire de la chaire d'égyptologie lors de la fondation de l'École du Louvre (1882) ne l’autorisaient sans doute pas à se fourvoyer dans des conjectures peu académiques. Pour nous en tenir à la seule fonction des pyramides égyptiennes, celles-ci sont des tombeaux, point final ! Quant aux auteurs fondant l’orientation de ces monuments sur des considérations astronomiques, ils sont renvoyés à leurs chères études. À preuve ce raisonnement impitoyable et quelque peu désarmant : “Dans un monument soigné comme l’est une pyramide, une face dédiée au Nord ne peut pas être tournée vers un autre point que le Nord.” C.Q.F.D.

Cliché de 1900 - auteur inconnu

“C’est par les pyramides que s'ouvre la série des monuments égyptiens ; la pyramide à degrés de Sakkarah est attribuée à la IIe dynastie. Ces gigantesques ouvrages, qui, depuis plus de six mille ans, font I'admiration des hommes, témoignent d'un art très avancé par la taille des pierres dures et I'appareillage des blocs. Le style des premières dynasties est simple et sévère ; ce n'est malheureusement que par les tombeaux que nous pouvons I'apprécier. Les plafonds rectilignes sont soutenus par des piliers carrés sans base ni abaque. À la sixième dynastie, le péristyle apparaît ; les murailles s'inclinent en talus pour solidifier leur masse; la forme pyramidale est adoptée pour les tombes royales. (...)
Les trois grandes pyramides de Gizeh sont les tombeaux de Chéops, Chephren et Mycérinus ; les petites sont les tombeaux des membres de la famille de ces rois.
La grande avait primitivement 146 mètres de haut ; dans l’état actuel, elle n'en a plus que 138 ; son cube est de 2,562,676 mètres. Toutes les phrases qu'après Hérodote on a faites sur la haine que ces rois s'étaient attirée, par suite des corvées imposées aux Égyptiens qui travaillaient aux pyramides, peuvent être réduites à néant ; les monuments contemporains, témoins bien plus croyables qu'Hérodote lui-même, nous montrent en effet que de leur vivant, et après eux, Chéops, Chephren et Mycérinus étaient honorés par un culte tout spécial.

Les pyramides, quelles qu'elles soient, sont des tombeaux
En ce qui regarde l’usage auquel les pyramides étaient destinées, c'est faire violence à tout ce que nous savons de l’Égypte, à tout ce que I'archéologie nous a appris sur les habitudes monumentales de ce pays, que d'y voir autre chose que des tombeaux. Les pyramides, quelles qu'elles soient, sont des tombeaux, massifs, pleins, bouchés partout, même dans leurs couloirs les plus soignés, sans fenêtres, sans portes, sans ouvertures extérieures. Elles sont I'enveloppe extérieure et à jamais impénétrable d'une momie, et une seule d'entre elles aurait montré à l’intérieur un chemin accessible, d'où, par exemple, des observations astronomiques auraient pu être faites comme du fond d'un puits, que la pyramide aurait été ainsi contre sa propre destination.
En vain dira-t-on que les quatre faces orientées dénotent une intention astronomique ; les quatre faces sont orientées parce qu'elles sont dédiées, par des raisons mythologiques, aux quatre points cardinaux et que, dans un monument soigné comme l’est une pyramide, une face dédiée au Nord, par exemple, ne peut pas être tournée vers un autre point que le Nord.
Les pyramides ne sont donc que des tombeaux, et leur masse immense ne saurait être un argument contre cette destination, puisqu'on en trouve qui n'ont pas 6 mètres de hauteur.
Notons d'ailleurs qu'il n'est pas en Égypte une pyramide qui ne soit le centre d'une nécropole, et que le caractère de ces monuments est par là amplement certifié.


“Ce qu'on voit aujourd'hui des pyramides lien est plus que le noyau. Originairement, elles étaient recouvertes d'un revêtement lisse qui a disparu. lles se terminaient en pointe aiguë. Les pyramides étaient des tombeaux hermétiquement clos ; chacune d'entre elles (au moins celles qui ont servi à la sépulture d'un roi) avait un temple extérieur qui s'élevait à quelques metres en avant de la façade orientale. Le roi, déifié comme une incarnation de la divinité, y recevait un culte. Les trois grandes pyramides de Gizeh ont, comme les autres, un temple extérieur.
À Sakkarah s'élève une pyramide bâtie à six degrés. Si les traditions sont vraies, si le lieu dont cette pyramide occupe ie centre s'appelle Kokomé, et si le roi Ouennephès fit bâtir sa pyramide en ce lieu nomrné Kokomé, il s'ensuivrait que la pyramide à degrés remonte à la 1ère dynastie, et quelle est par conséquent le plus ancien monument connu de I'Égypte et du monde.”
(Mariette, Itinéraire des invités du Khédive)

Les pyramides funéraires étaient de petits monuments votifs en relation avec le culte du
soleil.
“Le principal personnage y est ordinairement figuré en adoration, la face tournée vers
le midi ; à sa gauche sont les formules d'invocation au soleil levant, et à sa droite des formules analogues adressées au soleil couchant. Ces dispositions varient de diverses manières, mais toujours en rappelant l'orientation des monuments.”
(E. de Rougé, Notice sommaire)”

Source : Open Library