samedi 10 novembre 2012

“On assure qu'autrefois les pyramides étaient couvertes de diverses sculptures” (Abd el-Rachîd el-Bakouy - XVe s.)

La précision historique et archéologique n’est pas précisément au rendez-vous des affirmations d’Abd el-Rachîd el-Bakouy (géographe arabe, originaire de Bakwiyya, située dans la contrée de Derbent, sur le bord de la mer Caspienne), dans ce que l’on lira ci-dessous, extrait de son Kitâb talkhîs al-athâr fî agâ’ib al malik al-qahar (“Livre exposant les traditions sur les merveilles du roi tout- puissant”), écrit en 813 de l’hégire (1412 de l’ère “vulgaire”).
Dans sa relation, le narrateur se fait l’écho de prétendues informations qui étaient colportées de son temps sur la construction et le rôle des pyramides, lesquelles étaient investies de la double fonction de sépulture royale et de refuge contre la catastrophe apocalyptique d’un déluge imminent. Par voie de conséquence, les monuments étaient censés abriter les “richesses immenses” des souverains défunts, que s’ingénieront par la suite à rechercher des générations de pilleurs.
“L’ouvrage d’Abd er-Rachyd, écrit le “citoyen” J. J. Marcel, dans La Décade égyptienne - 1798-1801) offre, comme tous ceux des écrivains orientaux, quelques inexactitudes qui tiennent à leur ignorance générale sur l'ancienne histoire, mais ces inexactitudes sont faciles à apercevoir, et par là peu susceptibles d'induire en erreur.
Les orientaux entremêlent tous leurs écrits de prodiges et de récits extravagants auxquels ils donnent une entière croyance. J’ai cru devoir ne retrancher dans cet extrait aucune de ces fables et laisser à l’auteur son style oriental et sa forme originale, ces fictions nous donnant lieu d'apprécier plus exactement le progrès des sciences et des connaissances géographiques dans l'Orient à l’époque où Abd er-Rachyd écrivait.”


Illustration de John Helffrich (1579)
"Une des choses les plus merveilleuses et les plus remarquables de l'Égypte, ce sont les deux grandes pyramides, situées sur la rive occidentale du Nil, près de Fostât. L'une et l'autre sont bâties de grandes pierres carrées, et leur hauteur est de trois cent dix-sept coudées (1).
Les quatre faces, qui vont en se rétrécissant vers le haut, sont égales l'une à l'autre, et leur largeur à la base est de quatre cent soixante coudées (2).
On assure qu'autrefois les pyramides étaient couvertes de diverses sculptures, et même qu'on y lisait une inscription en caractères antiques nommés mousnad ou hamyarî (3). Cette inscription portait “que la construction de ces monuments attestait la puissance de la nation égyptienne ; et qu'il était plus facile aux hommes de les détruire que d'en élever de semblables”.
Les traditions nous apprennent que ces pyramides renferment des sépultures, et que l'an 225 de l'hégire du Prophète, sur qui soient le salut et la bénédiction (839 de l'ère vulgaire), on y trouva un livre écrit en caractères inconnus, que cependant un vieillard du monastère chrétien d’el-Qalmoûn vint à bout de lire et d'interpréter.
Ce livre faisait mention des observations célestes faites pour la construction des pyramides, et d'observations plus anciennes encore, d'après lesquelles, en comparant les différents rapports du ciel avec la terre, on avait trouvé une prédiction portant qu'un jour la terre serait entièrement submergée et détruite. En conséquence de cette prédiction, un roi d'Égypte, nommé Sourid, fils de Sahlhouq, voulut faire construire un tombeau pour lui, et deux autres pour le reste de sa famille. Il choisit pour son tombeau la pyramide située le plus à l’Orient ; celle qui est vers l'Occident était destinée à renfermer le tombeau de son frère, et ses neveux devaient avoir leur sépulture dans !a troisième.

“Des richesses immenses”
Les observations célestes avaient été faites à la première minute de l'entrée du soleil dans le cœur du Lion venant de la tête de l’Ecrevisse, toutes les autres étoiles entrant dans ce signe, le Soleil et la Lune à la première minute du Bélier ; Refan (Saturne) dans le même signe aau 28e degré 1 minute ; Melokh (Mars) dans le 29e degré 5 minutes des poissons ; et Pikheus (Jupiter) dans la balance.
Souryd, après sa mort, fut, suivant ses ordres, enterré dans la pyramide orientale ; son frère dans ia pyramide occidentale, et Kourous, son neveu,dans la troisième pyramide.
On entrait dans ces pyramides par un édifice souterrain, dont ta longueur était de cent cinquante coudées (4). Le portique de la pyramide orientale était situé vers l'Orient, et celui de l'occidentale vers l’Occident ; l’entrée de la troisième qu'on nomme Mouzer était dirigée vers le Nord. Ces monuments passaient pour renfermer des richesses immenses.”
Ce fragment a été traduit du qobte ou égyptien ancien en langue arabe. Et lorsque l'on eut examiné et comparé les époques astronomiques consignées dans ce livre, on trouva que depuis la fondation des pyramides, il s'était écoulé 4331 ans. On rechercha ensuite quel était l'espace de temps écoulé depuis Toufân (le déluge), et cette période se trouva être de 3941 ans. Ainsi ce livre fit connaître que les pyramides avaient été construites 390 ans avant le déluge ; mais la vérité de ceci n'est sue que de Dieu et de son Prophète.
Une des choses admirables de l'Egypte est la statue nommée Abou-l-Houl (le sphinx). Ce monument, représentant le simulacre d'une tête humaine, est situé près des pyramides où il parait à moitié hors de la terre : il sert de talisman contre les sables, pour les empêcher de pénétrer dans la contrée de Gyzeh.”

(1) environ 548 pieds (commentaire de J. J. Marcel)
(2) environ 795 pieds (commentaire de J. J. Marcel)
(3) deux dialectes principaux de l’ancien arabe, qui prenaient leurs noms des tribus les plus considérables où ils étaient usités (commentaire de J. J. Marcel)
(4) environ 259 pieds (commentaire de J. J. Marcel)