jeudi 21 février 2013

“Nous devons surtout admirer et estimer ce bon goût des Égyptiens, qui les porta à viser en tout au grand et à s'attacher aux vraies beautés” (Jean Oudin - XIXe s.)


En parcourant avec un œil observateur les caractères de l'architecture des peuples anciens les plus connus, et chez lesquels les arts ont été les plus florissants, nous nous sommes arrêtés avec surprise devant les pyramides d'Égypte, ces masses énormes et étonnantes, destinées à publier à tout l'univers, et à perpétuer dans la suite des siècles le souvenir du néant des grandeurs humaines.
Un préambule aussi lyrique, extrait du Manuel d'archéologie religieuse, civile et militaire (1841) de l’abbé Jean Oudin (1807-1880), aurait pu laisser présager d’intéressants développements. Mais il n’en est rien. L’auteur, qui semble-t-il, a “soigneusement” pillé l'Abécédaire ou rudiment d'archéologie d’Arcisse de Caumont, s’en tient à de vagues généralités sur les pyramides égyptiennes, dont il vante néanmoins les “précieux restes”.
L’abbé Oudin est par ailleurs présenté comme un inventeur “malheureux” de produits alimentaires (tablettes de lait concentré pour les voyages en mer) et pharmaceutiques (élixir antispasmodique), ce qui ne l'empêcha pas d'être correspondant d’un Comité historique et de s’adonner à la sculpture sur bois pour meubler les églises dont il fut le curé.
Cliché de Francis Frith - 1862 ?


“Les monuments de l'Égypte consistent en temples, palais, pyramides, obélisques et colosses. Ils sont en général graves, massifs et construits avec des matériaux d'un poids et d'une dimension si énormes qu'on a de la peine à concevoir comment les forces humaines pouvaient suffire à les remuer, à les transporter et à les élever à de si grandes hauteurs. On ne faisait donc pas seulement usage de la brique, mais aussi de la pierre, et même de préférence, dans les endroits où elle était commune. Elle était généralement travaillée avec un art admirable. (...)
Les monuments les plus étonnants de l'Égypte sont les pyramides, destinées, à ce que l'on croit, à la sépulture des rois et des grands personnages du royaume. Il y en a un nombre considérable aux environs de l'ancienne Memphis, non loin de la ville du Caire. Plusieurs de ces pyramides étaient en briques, particulièrement aux environs du bourg de Sakara ; les autres étaient en pierres, et ordinairement construites de roches énormes. Les particuliers se faisaient faire de petites pyramides portatives, de un à deux pieds de haut, ornées d'inscriptions et de peintures. Elles accompagnaient la momie du défunt.
“Il y avait en Égypte, dit Rollin, trois pyramides plus célèbres que toutes les autres, qui, selon Diodore de Sicile, ont mérité d'être mises au nombre des sept merveilles du monde. La plus grande des trois était, comme les autres, bâtie sur le roc, qui lui servait de fondement, de figure carrée par sa base, construite au dehors en forme de degrés, et allant toujours en diminuant jusqu'au sommet. Elle était bâtie de pierres d'une grandeur extraordinaire, dont les moindres étaient de trente pieds, travaillées avec un art merveilleux, et couvertes de figures hiéroglyphiques.” Elle a 474 pieds de hauteur perpendiculaire, et 734 pieds de largeur vers la base. Le haut de la pyramide, qui d'en bas semble être une pointe, une aiguille, est une belle plate-forme d'environ seize pieds. Il est curieux de voir dans Rollin les autres détails concernant les dépenses faites pour la construction de ces pyramides.
Comment ne pas admirer avec étonnement les deux pyramides élevées au milieu du lac Mœris, ce vaste et étonnant ouvrage, le plus admirable de tous ceux des rois d'Égypte ? Ces deux pyramides s'élevaient de 300 pieds au-dessus du lac, et occupaient sous les eaux un pareil espace ; c'est-à-dire qu'elles avaient 600 pieds d'élévation, et de plus elles étaient surmontées, chacune, d'une statue colossale placée sur un trône. (...)
Ce que nous savons des pyramides, du labyrinthe, de ce nombre infini d'obélisques, de temples, de palais dont on admire encore les précieux restes dans toute l'Égypte, et dans lesquels brillaient à l'envi la magnificence des princes qui les avaient construits, l'habileté des ouvriers qui y avaient été employés, la richesse des ornements qui y étaient répandus, la justesse des symétries qui en faisaient la plus grande beauté; ouvrages dans plusieurs desquels s'est conservée jusqu'à nous la vivacité même des couleurs, malgré l'injure du temps, qui amortit tout et consume tout à la longue ; tout cela, dis-je, montre à quel point de perfection l'Égypte avait porté l'architecture, la peinture, la sculpture, et tous les autres arts. Nous devons surtout admirer et estimer ce bon goût des Égyptiens par rapport à l'architecture, qui les porta, dès le commencement, et sans qu'ils eussent encore de modèles qu'ils pussent imiter, à viser en tout au grand, et à s'attacher aux vraies beautés, sans s'écarter jamais d'une noble simplicité, en quoi consiste la souveraine perfection de l'art.”:
Source : Google livres