lundi 1 avril 2013

“La fin pour laquelle les pyramides ont été élevées est encore un objet de dispute entre les savants” (Mr. de Mauve - XVIIIe s.)


Comme de nombreuses publications à caractère encyclopédique, le Journal britannique (1750-1757) se satisfait de généralités en matière d’égyptologie.
Le volume de cette publication, paru en septembre et octobre 1757, sous la responsabilité éditoriale de Mr. de Mauve, comporte ainsi une présentation du Voyage d’Egypte et de Nubie de Norden, qui, même complétée par quelques observations de Peter Templeman (1711-1769), secrétaire de la Royal Society for the Encouragement of Arts, Manufactures and Commerce, se limite au strict minimum.





“Notre auteur, avant de quitter Le Caire et ses environs, parle de plusieurs monuments qui méritent certainement l’attention de ceux qui voyagent en Egypte. Les monuments dont il veut parler sont les pyramides quon a mises dans les premiers temps au nombre des sept merveilles du monde, et qu’on admire encore aujourd’hui. On ne trouve ces beaux monuments que dans l’Egypte. Il est vrai qu’on en voit un à Rome, qu’on appelle la pyramide de Cestius, et dont le père Montfauçon a donné la description dans ses Antiquités. Mais cette pyramide n’est qu’une imitation de celles de l’Egypte, dont la moindre surpasse de beaucoup en beauté et en grandeur celle de Rome.

Ces monuments ne se trouvent qu’entre Le Caire et Meidoum. Quelques auteurs ont avancé qu’il y en avait dans toute la Haute-Egypte, mais ils ont été trompés par de faux Mémoires, ou ils l’ont avancé par une espèce de vaine gloire, pour faire accroire au public qu’ils avaient parcouru ce pays, quoiqu’ils n’y aient jamais mis le pied.
Les pyramides sont construites sur les rochers ou au pied des montagnes qui séparent l’Egypte de la Libye. Elles ont été toutes bâties dans la même vue, c’est-à-dire pour servir de sépulture ; mais leur architecture est très différente : les unes sont plus grandes, les autres plus matérielles et distribuées d’une façon toute différente. Elles sont toutes ou presque toutes endommagées.
Toutes ces pyramides n’ont pas été élevées dans le même temps ; mais il est probable qu’elles sont précédé les hiéroglyphes.
Les principales se trouvent à l’Est-Sud-Est de Guizeh, village situé sur le bord occidental du Nil. Des auteurs ont prétendu que la ville de Memphis était bâtie dans cet endroit, et que c’était pour cette raison qu’on les appelait les pyramides de Memphis.
On a beaucoup disputé sur l’origine des pyramides et sur le nom de ceux qui les ont fait construire. C‘est ce qui a engagé le Docteur Templeman à faire quelques remarques sur la Pyramidographie de Mr Jean Greaves, ancien professeur d’astronomie à Oxford. Il prétend que Mr. Norden s’est trompé lorsqu’il a cité la pyramide bâtie par Kheops pour celle qui était toute de pierres selon Hérodote. La pyramide de brique fut bâtie par Asychis : on avait gravé sur une pierre une inscription remarquable, dont voici le sens : “Que personne ne me méprise jusqu’au point de me comparer avec les pyramides de pierres. Je l’emporte autant sur elles que Jupiter sur les autres dieux. On a ramassé le limon qui était au fond d’un lac, dont on a fait de la brique ; et c’est de cette brique que j’ai été faite.”
Quant à l’origine des pyramides, il passe sous silence les conjectures qui ont été faites sur ce point, ajoutant qu’il les croit beaucoup plus anciennes que la plupart des auteurs ne les font. Premièrement, il regarde comme une chose certaine que les pyramides existaient longtemps avant les hiéroglyphes.
La principale raison sur laquelle il se fonde, c’est qu’on n’a jamais trouvé de figure hiéroglyphique dans aucune pyramide : cette preuve lui paraît d’autant plus convaincante que les Égyptiens faisaient graver ces caractères, dès qu’ils furent connus, sur tous les monuments qu’ils faisaient bâtir. Il conclut de là que les pyramides existaient avant que Memphis fût bâtie, parce que ces caractères étaient en usage avant l’existence de cette fameuse ville ; car on s’en servait dès le temps de la fondation de Thèbes, bâtie avant Memphis.
La fin pour laquelle les pyramides ont été élevées est encore un objet de dispute entre les savants. Sans entrer dans la discussion des différents systèmes, nous conviendrons avec Mr. Greaves que la religion égyptienne fut la principale cause de la construction de ces monuments ; mais nous remarquerons en même temps avec Mr. Templeman que l’ambition des Grands y contribua beaucoup.
Comme les lois que nous nous sommes prescrites ne nous permettent pas de nous étendre autant que nous le souhaiterions, nous sommes obligés d’omettre plusieurs remarques curieuses sur les pyramides, afin de dire quelque chose sur les obélisques.”

Source : Gallica