jeudi 29 octobre 2015

"J'ai construit la Grande Pyramide", de Christian Jacq

On le sait : Christian Jacq occupe une place à part, diversement interprétée et appréciée, dans l’univers de l’égyptologie. Il le prouve une fois encore avec la publication de ce roman dans lequel le lecteur est invité à suivre le parcours d’un bâtisseur de l’ancienne Égypte, qui a la “chance” d’exercer “le plus fabuleux des métiers : édifier la Grande Pyramide”.
Le récit comporte tous les ingrédients d’un roman, en premier lieu les élans amoureux de notre tailleur de pierre, vite promu chef de chantier, envers la belle Lotus, puis Méréty, fille du maître d’oeuvre Hémiounou. 

L’originalité de cet ouvrage, qui surfe sur des événements fruits de l’imagination féconde de l’auteur, est qu’il se greffe sur une page majeure de l’histoire de la IVe dynastie de l’Égypte ancienne : la construction de la pyramide de Khéops. Nous nous retrouvons ainsi au coeur de ce gigantesque chantier, avec l’organisation méticuleuse du fonctionnement des équipes, composées de 2.000 permanents et d’autres milliers d’ouvriers temporaires, les conditions de travail (les ouvriers n’étaient nullement de esclaves, mais ils représentaient une élite), la vie au village des ouvriers (où la consommation de bière et de vin introduit ou clôt maintes manifestations de la vie sociale).
L’histoire évolue au gré de la progression du chantier de construction, au cours de laquelle nous apparaissent les composantes de la pyramide : la chambre souterraine, le couloir ascendant, la Chambre de la Reine, la Grande Galerie, la Chambre du Roi ou “chambre de résurrection”, les conduits de ventilation/communication, les chambres de décharge, le pyramidion...


Photo Marc Chartier
Les techniques de construction mises en oeuvre font également l’objet de fréquentes bribes de description, reflétant souvent les questions techniques des responsables du chantier, notamment une rampe externe et une rampe interne, ainsi que l’utilisation d’un ingénieux système de contrepoids pour hisser les blocs de pierre, dont les énormes poutres monolithes de granit formant le plafond de la Chambre du Roi.
On aura évidemment reconnu au passage les éléments principaux de la théorie développée par l’architecte français Jean-Pierre Houdin (cité dans la jaquette de l’ouvrage) pour la reconstitution du chantier de construction de la Grande Pyramide.

Puis, reprenant le fil de son schéma mi-imaginaire mi-historique, Christian Jacq fait dire à son héros, comme pour déjouer notre tentative de privilégier telle lecture plutôt que telle autre : “À cet instant, je fus conscient de l’importance vitale de la pyramide ; les exploits techniques, qui nécessitaient tant d’efforts et de novations, n’étaient rien au regard de la signification de l’oeuvre, dont chaque détail avait un sens. Le plan du Maître n’était le produit ni de son imagination ni de son bon plaisir, mais l’expression de la pensée divine et la concrétisation de l’invisible.

Certes, si l’on s’en tient à une lecture “au premier degré”, on trouvera ici de quoi se laisser embarquer dans une histoire aux péripéties haletantes, avec leur lot de suspense et d’idylles de bon aloi. Si, par contre, on est tenté par un examen quelque peu scrupuleux des informations techniques distillées de-ci de-là, on risque fort de rester sur sa fin. On retiendra néanmoins ce qui apparaît comme un message central, comme une grille de lecture d’un livre à classer plus au rayon de la fiction que de la relation historique :
Grâce à la Grande Pyramide, des bâtisseurs avaient vécu ensemble et seraient immortels ensemble. Nous disparus, la contrée de lumière, composée de pierres vivantes, vaincrait le temps ; et c’est ensemble que nous avions édifié cet accès à l’éternité, visible aux yeux des humains.

Cet ouvrage, tout romanesque qu’il soit, leur est à l’évidence dédié.

MC
XO éditions, 2015, 406 pages