dimanche 25 octobre 2015

La Mission "ScanPyramids", top départ !


Les pyramides d’Égypte - notamment celles du plateau de Giza et de Dahchour - sont de nouveau à la une de l’actualité. Après quelque quarante-cinq siècles d’existence, elles ne s’en fatiguent pas ! Il est vrai qu’en dépit des multiples conjectures émises, depuis Hérodote jusqu’à aujourd’hui, sur les techniques mises en oeuvre pour leur construction, la certitude absolue n’est toujours pas de mise. On parle de “mystère” des pyramides… En réalité, il s’agit plutôt d’un sempiternel défi lancé à nos hypothèses ou théories, aussi ingénieuses soient-elles, par les bâtisseurs de l’ancienne Égypte.

Pour ne citer que le seul exemple de la Grande Pyramide de Giza, comment expliquer la perfection de ses lignes, en dépit des détériorations que diverses générations lui ont fait subir ? Par quels types de rampes et avec quels moyens de manutention les blocs de quelque soixante tonnes ont pu être hissés jusqu’à plus de quarante mètres de hauteur, pour bâtir la Chambre du Roi ? En outre - “last but non least” -, que recèlent les entrailles de ce gigantesque monument ? Renferme-t-il des espaces “secrets”, chambres ou espaces utilisés à des fins rituelles ou lors de la construction, qui auraient jusqu’à ce jour déjoué l’observation des égyptologues et autres chercheurs ?

Pour tenter d'élucider ces zones d'ombre, nous n'en sommes plus à l'époque de la pioche et de la dynamite ! Fini le temps où un calife Abdallah Al-Ma’moun ben Haroun El-Rachid, étant allé visiter les pyramides, eut le désir, sinon d'en démolir une pour savoir ce qu'elle renfermait, du moins d'ouvrir une brèche - encore béante aujourd'hui - pour la création de laquelle on employa "le feu, le vinaigre et les leviers".
Hany Helal
Par respect pour des monuments qui continuent de défier le temps, l'heure est désormais à l'utilisation de techniques non destructives et non invasives. Tel est l'objectif qui vient d'être fixé à "Scan Pyramids", une mission égypto-internationale, sous l’égide du ministère égyptien des Antiquités nationales, initiée, conçue et coordonnée par la Faculté des Ingénieurs de l’Université du Caire, sous la direction du professeur Hany Helal, ancien ministre de la Recherche et de l’Éducation supérieure du gouvernement égyptien, et l’Institut français HIP (Heritage, Innovation, Preservation). Dans le but de sonder, sans y percer le moindre orifice, le coeur des plus grandes pyramides d’Égypte, seront ainsi mises en œuvre les technologies les plus innovantes, utilisées par des chercheurs de réputation internationale et trois grandes universités (le Caire, Québec, Nagoya).





Cette mission, d'une ampleur jamais atteinte en terre d'Égypte, portera sur quatre monuments majeurs de la IVe dynastie (2575 – 2465) : la pyramide Sud, dite "rhomboïdale" et la pyramide Nord, dite "pyramide rouge", bâties par Snefrou (2575 - 2551) sur le site de Dahchour, à une quinzaine de kilomètres au sud de Saqqarah ; les pyramides de Kheops et Khephren, fils et petit-fils de Snefrou, élevées sur le plateau de Giza à une vingtaine de kilomètres du Caire.

Quant aux techniques de pointe qui seront appliquées, elles concernent tout d'abord deux missions de thermographie infrarouge, l’une de courte durée menée par le spécialiste Jean-Claude Barré de LedLiquid, l’autre, qui s’étendra sur une année au moins, conduite par l’université Laval de Québec : elles permettront d’établir une carte thermique des monuments et d’y révéler d'éventuels vides sous leur surface visible.

Par ailleurs et en complément, deux missions de radiographie par muons - technique développée au Japon par les équipes du KEK (High Energy Accelerator Research Organization) et l’Université de Nagoya, notamment pour inspecter l'intérieur des volcans et les réacteurs de Fukushima - auront pour objectif de vérifier et visualiser avec précision la présence de structures inconnues au sein des pyramides. "De nombreuses théories ont été émises, précise Hany Helal, à la fois pour leur construction et leurs anomalies de structure, mais nous sommes des physiciens et des ingénieurs, pas des archéologues. Notre objectif est d’utiliser des techniques pour obtenir des résultats concrets. Aux égyptologues ensuite de les interpréter !"

Le laboratoire de l’équipe japonaise, consacré au développement et à l’analyse des images captées par les muons, a d’ores et déjà été installé au Caire. "À plus long terme, indique Hany Helal, vu la richesse archéologique de l’Égypte, nous imaginons utiliser ces techniques pour d’autres monuments, soit pour les restaurer, soit pour les découvrir. Si elles démontrent leur efficacité, elles pourront même être mises en oeuvre dans d’autres pays."

Parallèlement aux missions d’exploration, la société Iconem réalisera, à l’aide de drones, une campagne de photogrammétrie qui permettra de reconstituer en 3D, avec une précision centimétrique jamais atteinte, le plateau de Giza et le site de Dahchour, ainsi que tous les monuments qui y sont érigés. Ces modélisations seront mises à disposition des chercheurs et du public, en open data, par l’Institut HIP. 


Mehdi Tayoubi
Partage et transfert sont les maîtres mots de cette campagne, dédiée à l'avancée des connaissances et soutenue par les autorités égyptiennes. "Notre volonté, confirme Mehdi Tayoubi, président de l’Institut HIP et co-directeur de la mission, est de former un corps d’experts international et de confronter leurs approches théoriques et technologiques à la réalité du terrain archéologique."

Sur quels résultats débouchera la mission, qui devrait durer au moins jusqu’à fin 2016 ? Est-il besoin d'ajouter un nouveau "mystère" à un condensé de questions qui ne cesse de tarauder archéologues et amateurs d’égyptologie ?

"L’essentiel, conclut avec philosophie et son éloquent pragmatisme Mehdi Tayoubi, est d’avancer en mettant en oeuvre de nouvelles approches. Beaucoup de missions précédentes ont tenté de percer les mystères des pyramides et si elles n’y sont pas parvenues, elles ont néanmoins fait progresser la connaissance, comme ce fut le cas par exemple, il y a tout juste trente ans, pour la mission de la Fondation EDF ayant décelé une anomalie de sous-densité en forme spiralée dans Kheops. Notre objectif est d’apporter notre pierre à l’édifice et de préparer, en toute humilité, le chemin pour les futures missions de recherche scientifique."

MC

Pour en savoir plus
http://www.hip.institute/
http://scanpyramids.org

À suivre : une présentation plus détaillée des différentes techniques utilisées dans le cadre de la mission "Scan Pyramids" - voir ICI